L |
es hommes, je les connais bien : il n’y a rien à en attendre. Depuis tout ce temps que je les fréquente, toutes mes expériences m’ont confirmé leur méchanceté. Si je leur disais mes malheurs, la première moitié ne s’y intéresserait pas, et la seconde y trouverait plaisir.
On dit qu’ils viennent spontanément en aide à leur prochain. Ce n’est pas vrai. Je hais tout ce catéchisme. Que gagne-t-on à chercher leur compagnie ? À répondre à leurs invitations ? De toute façon sont-elles jamais sincères ? Y voit-on de vraies portes qui s’ouvrent ?
J’ai essayé pourtant en un temps. (Quel temps ? Il est bien loin de moi...) J’ai voulu m’ouvrir à eux, et mal m’en a pris. Leur porte s’est refermée, et quelle honte alors fut la mienne ! Demander, et ne rien recevoir... Il n’est rien de si humiliant. C’est fini : je ne m’y exposerai plus. Chat échaudé...
*
... C’est à elle que je pense maintenant. J’en attendais tout, et que le ciel qui s’ouvrit pour moi à notre première rencontre fût toujours radieux pour nous deux. Mais ce jour-là, sur notre banc dans ce jardin public, elle me fit rentrer dans le néant, avec de simples mots : « Notre histoire est terminée. » Aussi tous ses retours ensuite, je n’en ai plus voulu. J’ai bien retenu la leçon, je ne demanderai plus rien à personne, je ne veux plus mendier quoi que ce soit.
Parfois bien sûr je me demande ce qui se serait passé si j’avais réessayé un rapprochement : répondu par exemple à ses dernières lettres. Peut-être me suis-je découragé trop tôt, peut-être y avait-il un malentendu dans notre relation, un nœud que j’aurais pu dénouer au lieu de le trancher. Peut-être aussi le problème venait-il d’elle à ce moment, et non de moi, d’une situation qui la concernait et dont je n’étais pas au courant. Qui sait ? Peut-être n’ai-je pas assez demandé.
J’aurais pu aussi continuer le dialogue, après tout. M’informer des explications. Qu’avais-je à y perdre ? Au lieu de cela, au lieu de m’ouvrir, de faire confiance à la suite des jours, je me suis refermé. Coquille close... Peut-être n’ai-je pas assez cherché.
Et toutes ces portes refermées devant moi... étaient-elles si grandes, si majestueuses, si imposantes et infranchissables qu’elles me paraissaient ? Finalement ai-je eu raison de les croire fermées pour toujours ? C’est peut-être une imagination projetée sur elles, née de ma propre peur qu’elles ne s’ouvrent pas. Il fallait continuer, insister. À la longue, qui sait ce qui peut arriver ? Peut-être n’ai-je pas assez frappé.
*
Me voici donc ressassant un passé d’échecs, tombeau de tous mes rêves, promeneur mélancolique au moment du bilan. Il n’est pas bien reluisant...
... La vieille rue retentit de toutes rumeurs. Machinalement je lis les plaques des maisons, le nom des rues, les numéros... Sur mon désastre surnagent mes quelques brefs instants d’oubli enfantin et de curiosité. Tiens, qu’y a-t-il d’écrit sur cette plaque, à côté de la porte ? Je m’approche, je vais lire, je lis :
Frappez fort !
Matthieu 7/7 – Luc 11/9 : « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. »
*
Ce texte est extrait du tome I de mon ouvrage Fictions bibliques - La Bible revisitée, édité chez BoD. Il est illustré de dessins originaux de l'artiste Stéphane Pahon. En voici la présentation en Quatrième de couverture :
Ce livre propose des libres lectures de passages bibliques, présentées sous forme de petites fictions.
Elles servent parfois l'intention du texte initial, mais parfois aussi en problématisent le contenu, quand il n'a plus semblé admissible pour un esprit indépendant.
L'appel à la sensibilité, propre à la littérature, permet de corriger ce que l'exégèse et la théologie traditionnelles peuvent avoir de dogmatique.
Pour plus de renseignements, pour en lire un extrait et commander le livre sur le site de l'éditeur, cliquer sur l'image ci-dessous :
Ce livre est aussi disponible sur commande en librairie, ainsi que sur les sites de vente en ligne.