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Le blog artistique de Michel Théron
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Beauté

Beauté

 

 

Beauté
Elle mène, dit Thomas Mann dans La Mort à Venise, « à l’abîme ». Pourquoi ce paradoxe ?
La sauvagerie ne s’éveille pas forcément en nous quand la beauté s’éclipse, à l’occasion des guerres par exemple : l’âme peut alors au moins s’ouvrir à la pitié. La visite d’un hôpital ne rend pas cruel. Mais le kitsch, les paillettes et le strass de la télévision, si.
Une beauté trop lisse nous provoque. Soit une belle après-midi d’été, au bord d’une pelouse inondée des rayons du soleil couchant, dans un décor paradisiaque : nous y pouvons sentir l’in­dif­férence de la nature, et l’artifice de tout ce décor, eu égard à ce que nous pouvons être, aussi, au fond de nous-mêmes, un être plein de peines et de gouffres. Loin d’en être apaisés, la beauté alors nous insulte, par l’ironie qu’elle nous fait sentir dans ce qu’elle nous montre, à côté de ce que nous recélons en nous.
Les films d’épouvante jouent souvent là-dessus : ils commencent dans le calme, l’anodin, l’irénisme, la vision des beaux quartiers, des belles pelouses, etc., et ils s’achèvent dans l’horreur. Transition symbolique. Ce n’est pas la vue du sang qui trouble ou scandalise, mais, parfois, ce qui le fait oublier. Un être n’est pas seulement peau ou bel aspect, il est tout ce qu’il y a en-dessous : nerfs, viscères, organes et chair. Sous la peau, les veines, la sanie, les os. Prenons leçon de l’ana­tomie, des opérations chirurgicales. L’être a deux pôles : la Vénus de Milo, et l’Écorché. Toute haute culture le montre, toute culture abâtardie le nie. L’horreur est humaine, et il faut rendre compte de l’homme complet.
En un sens, la beauté n’est-elle pas une promesse, un teasing décevants ? Peut-être attendons-nous dans la beauté des choses quelque chose qui jamais ne vient : « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? – Je ne vois que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie. » Aussi faut-il, comme le dit Paul-Jean Toulet, « prendre garde à la douceur des choses… » Car ce que nous voyons, si beau soit-il, peut en un clin d’œil disparaître : rien ne nous est définitivement donné. Et comme un vrai coup de poignard la beauté peut nous tuer en nous sidérant.
Objectivement, le top model des magazines est une insulte à la ménagère de banlieue, vieillie ou enlaidie. Qu’elle ne s’en accable et désole pas trop pourtant. Disons-lui alors que cette beauté lisse, d’ailleurs artificiellement retouchée, « photoshopée », ne dure pas toujours. Tout ce qui vit vieillit, ou vieillira. Il ne faut rien exclure ici, et tout garder. À Dieu la beauté, au Diable la varice !
 
7 octobre 2010
 
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Ce texte est extrait du premier tome de ma Petite philosophie de l'actualité, éditée chez BoD. Il est disponible en deux versions, papier et électronique (e-book). Pour en feuilleter le début, cliquer ci-dessous sur Lire un extrait. Pour l'acheter sur le site de l'éditeur, et aussi pour voir les différents tomes de la collection, cliquer sur Vers la librairie BoD. - Notez que ce livre est aussi disponible sur commande en librairie (diffusion SODIS), et sur les sites de vente en ligne.