Tout texte littéraire se rattache à un texte antérieur, de façon plus ou moins consciente. J'ai entrepris de rattacher plusieurs de mes textes et de mes livres à un texte fondateur de notre culture, celui de la Bible. Je le vois comme un monument de Littérature, dont les parties se renvoient les unes aux autres, tel celui du Nouveau Testament, qui est une réécriture inventive du Premier.Inventersignifie ici et à la fois trouver de l'ancien et ajouter du nouveau. Le texte biblique est ainsi toujours fait d'emprunts et de citations. Il est instituant souvent, discutable parfois. Dans ses marges j'ai entrepris ici mes propres variations.
Tu appuies tendrement ta tête sur moi, et nos bras se rejoignent. Que voudrais-tu pour notre avenir, notre chemin ? Une fusion constante ? Tous en rêvent, mais la réalité se charge de les détromper. La plupart du temps, on aspire à l’union des âmes, et on se contente du contact des corps. Non, nous méritons mieux. Chaque être est une petite solitude, île éphémère dans l’océan des vies. Le seul amour qui soit possible est pour chacun de veiller sur la solitude de l’autre, de la respecter et protéger. À certains moments bien sûr la symbiose ou ce qui lui ressemble est possible. Alors il faut se souvenir de ces moments bénis et magiques, pour poursuivre le chemin. Comme souvent dans la vie, c’est le souvenir qui donne un avenir.
Tu connais peut-être ce patriarche de la Bible dont trois religions se réclament, qui fut appelé à quitter sa patrie pour aller vers une Terre qui lui était promise. Eh bien, il fut appelé aussi à aller vers lui-même. Cet appel en fait visait son bien le plus profond : Va pour toi... vers la terre que je te ferai voir.*
De même tu dois te mettre aussi en chemin, aller pour toi vers ta terre promise. Ainsi tu dois aller vers toi-même, vers cet être caché qui est plus toi que toi. Si tu te trouves toi-même, je serai heureux quant à moi. Car là est le critère du vrai amour. Aimer, c’est vouloir le bien de ce qu’on aime, et on est plus heureux par le bonheur que l’on donne que par celui que l’on reçoit.
Que dire de plus ? Si, une dernière chose. Puissent nos moments d’éternité vécus sur notre couche, aussi longtemps que le sort nous le permettra, te révéler toujours à toi-même !
Mon bien-aimé élève la voix, il me dit : « Lève-toi vers toi-même, ma compagne, ma belle, et va vers toi-même.**
* Genèse, 12/1 – trad. Chouraqui – Va pour toi : héb. Lekh Lekha.
** Cantique des Cantiques, 2/10 – id. – Va vers toi-même : héb. Lekh Lekha.
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Ce texte est extrait de mon ouvrage En marge de la Bible - Fictions bibliques I, édité chez BoD. Illustré de dessins originaux de l'artiste Stéphane Pahon, il est disponible en deux formats, papier et livre électronique (e-book). On peut en feuilleter le début en cliquant ci-dessous sur Lire un extrait. On peut aussi l'acheter, et voir les autres titres de la collection à laquelle il appartient, en cliquant sur Vers la librairie BoD.
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à propos du blog
Ce blog vient en complément de mon blog principal généraliste : www.michel-theron.fr - Il comprend spécifiquement des productions ayant trait à la Littérature et à l'Art : poésies, fictions et micro-fictions, réflexions diverses sur l'esthétique, photographies et vidéos.