Son slogan est : « C’est la promotion qui fait l’artiste, ou le degré zéro de l’art ». On pense peut-être au Degré zéro de l’écriture de Roland Barthes, mais aussi et surtout à la formule de Warhol, selon lequel dans notre monde moderne chacun peut avoir son « quart d’heure de célébrité ». À voir le buzz que peuvent faire les médias ou Internet à propos de quiconque, on ne peut que lui donner raison. Le narcissisme de chacun est sans limite, et comme Érostrate personne ne se satisfait de son anonymat. [v. Narcissisme (I) et (II)]
Apparemment n’importe quoi maintenant peut faire œuvre, pourvu qu’on lui prête attention et crédit. Déjà Marcel Duchamp a montré que le moindre objet (un urinoir, un égouttoir à bouteilles, un quelconque ready made) peut acquérir le statut d’objet d’art, pour peu qu’il soit exposé dans le contexte valorisant d’un musée. Il bénéficie arbitrairement d’un potentiel de confiance, d’une fiducia essentielle procurée par le lieu lui-même. Mais ici il n’y a même pas d’objet, il n’y a qu’un nom, qui suffit. Il y avait autrefois des œuvres sans auteur, il y a maintenant des auteurs sans œuvre.
Avant John Hamon, Banksy, célébrité mondiale du street art, a voulu, en détruisant une de ses œuvres qui venait d’être adjugée à un prix pharaonique, montrer que le monde entier de l’art n’était qu’un marché, une bulle spéculative déconnectée de toute réalité : la preuve en fut d’ailleurs que ce geste iconoclaste fit encore monter sa cote.
La même œuvre aujourd’hui peut n’être rien si elle n’est pas signée, et tout si elle l’est. C’est sur le nom, et non sur un quelconque réel de l’œuvre, que se font les spéculations et les bulles financières. Comment s’étonner ensuite que l’œuvre ne soit plus qu’une signature, le simple nom de l’auteur ou son portrait ? Voilà où l’on aboutit, quand le savoir-faire est remplacé par le faire-savoir.
12 décembre 2019
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Pour une initiation générale aux problèmes de l'Art, vous pouvez voir mon autre ouvrage Petite initiation à l'Art :
Ce livre est une réflexion, sous forme dialoguée qui la rend plus vivante, sur les principes fondamentaux de l'Art. Chaque dialogue s'inspire d'une version différente d'une même photographie représentant une folle avoine. A la fin de chaque dialogue, un encart à visée pédagogique permet de faire le point sur ce qui a été dit, et de le résumer pour permettre de mieux en mémoriser la substance. Mais le savoir n'est rien sans la saveur. Puisse ce livre, où dialoguent (...)