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u ciel connu les goélands emportent sur leurs ailes de bleus souvenirs. Les voici maintenant loin de leur patrie natale, au-dessus de l’obscurité des flots, où pourtant se reflète encore par endroits l’azur qu’ils ont quitté. – Du moins est-ce là ce que je me plais à imaginer.
Nous vaquons à nos occupations quotidiennes, qui n’ont rien d’exaltant. Mais parfois se rappelle à nous, comme les traces bleues de cette photo, un monde ancien où nous étions nous-mêmes confondus au ciel, et aussi où, ainsi confondus, réduits et séduits, nous étions véritablement nous-mêmes.
À ces moments ensuite nous n’avons pas été fidèles. Pourtant ces promesses que nous n’avons pas tenues, enlisés dans la médiocrité des jours, il en reste en nous des vestiges. Nous pouvons errer à l’aventure, tournoyer comme ces oiseaux, mais nous gardons en nous l’empreinte du lieu originel, comme celle qui marque ici leurs ailes.
Peut-être volent-ils en quête de nourriture, ou peut-être simplement pour le plaisir d’être libres. On ne sait... Mais que cherchons-nous aussi nous-mêmes dans nos vies ? Y a-t-il place pour un au-delà de toutes nos médiocres occupations, un horizon s’éloignant toujours à mesure qu’on s’en rapproche, une quelconque transcendance ?
S’il y en a une, c’est le bleu du ciel qui la désigne. Il relativise tous nos buts intéressés. Il marque de son empreinte nos moindres entreprises, pour signifier qu’il ne faut pas s’attacher à tout ce que nous faisons, prisonniers de l’habitude, ordonnés à nos plus triviaux besoins, comme à un dernier mot.
Il n’y a jamais de dernier mot, hors le bleu du ciel qui les annule tous.
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Cette photo et ce texte sont extraits du tome 2 de mes Méditations photographiques (BoD, éd.). Pour des renseignements sur cet ouvrage, cliquer sur l'image ci-dessous :