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ls ont quitté le ponton qui les rattachait à la terre ferme, pour prendre leur envol. Vers où, je ne sais. Mais quelle leçon vais-je tirer de leur élan ?
Qui n’a rêvé de partir, pour échapper à un quotidien banal ou désespérant ? Nous vivons mal en notre propre compagnie, et il nous semble toujours que l’herbe ailleurs sera plus verte. Pourtant sitôt rentrés d’un voyage nous nous ennuyons à nouveau, et n’avons de cesse que d’en projeter un autre. Car décentrés de nous-mêmes c’est toujours avec nous que nous fuyons.
Je veux garder ces oiseaux non comme des injonctions à partir physiquement, mais comme des métaphores possibles de nos envies profondes, et des aliments pour notre imagination. Le voyage, il n’est point nécessaire de le faire réellement, il suffit de le rêver. À voir l’envol d’un oiseau, ou mieux à le deviner yeux fermés dans un battement de ses ailes, nous voici à l’autre bout du monde. Qui veut nous y suivre ?
Je sais bien que se lèveront contre moi les adeptes de l’ambulation incessante, les fanatiques du déplacement, et les hordes mal embouchées de touristes, pollueurs de notre planète. J’y vois un signe des temps, où on ne se supporte plus en solitude. Néanmoins elle peut être très riche, peuplée de songes et de fictions, voyages sans fin. Il suffit d’aller à leur rencontre...
... Chers oiseaux, je vous remercie de m’avoir montré que la vie n’a pas de sens si elle n’est portée par un élan vers autre chose qu’elle, un but ou un projet vrais. Ce sont nos raisons de vivre, qu’il ne faut pas perdre en leur préférant la vie elle-même, si décevante. Bien sûr elles sont imaginaires, et leur réalisation peut les détruire. Elles vivent de leur absence. Que si l’on m’objecte qu’elles n’ont aucun sens, je répondrai que ce qui n’a pas de sens a un sens supérieur à ce qui en a.
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