Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog artistique de Michel Théron
Le blog artistique de Michel Théron
Menu
Imago victrix

Imago victrix

D.R.
Imago victrix

C

 

urieuse, cette photo. En effet le premier plan avec ses orties et sa poutre verticale semble une habitation en ruines, mais à l’arrière-plan il semble qu’il y ait un tableau accroché au mur du fond, et représentant une montagne. Du moins est-ce la première impression que l’on éprouve, et malgré ce que l’on dit il faut toujours se fier à la première impression, l’impression sensible.

Ensuite, bien sûr, l’intellect la corrige. Et il nous dit que ce que nous prenons pour un tableau n’est qu’une fenêtre ouverte sur un paysage lointain, les montagnes de l’Andorre, la photo représentant la mine désaffectée du Puymorens, dans les Pyrénées Orientales.

Mais ma méditation n’a que faire des indications topographiques. Au reste je cherche toujours, au-delà du réel, le vrai. Et que me dit ce vrai de ma première vision ? Il me semble qu’qu’ainsi encadrées, et c’est au cadre qu’elles doivent tout, ces montagnes sont arrachées à tout le reste, et sont, non pas réellement, mais véritablement ou essentiellement l’Andorre. C’est le cadre, et n’importe quel cadre peut faire l’affaire, qui crée l’impression de représentation, et le paradoxe de celle-ci est que les choses ainsi mises en valeur ont un poids, une puissance de conviction bien supérieurs à ce que nos yeux ordinairement voient. Regardez quelque chose directement, et puis à travers une ouverture quelconque, fenêtre, mains, que sais-je ? – et vous verrez la différence. Le cadre suffit à mettre en scène ce qui est vu, et l’image est victorieuse du monde. Imago victrix.

De la même façon les aventures dans les livres sont de vraies aventures, et dans la vie l’aventure n’existe que du moment où elle est racontée. Là le cadre est le langage. Images et noms sont ce qui reste du monde quand tout est détruit – comme sur ma photo. Vies et civilisations s’effon­drent, mais pas leurs images, pas leurs tableaux, pas leurs récits… Toujours ils défient les ruines.

Les orties ici sont le réel ultime, comme pour nous la tombe. Mais le vrai de nos rêves, de nos images et de nos mots, survit toujours à toutes les disparitions.

*

Voir aussi, sur le même sujet :

***

Retrouvez d'autres textes et photos du même genre dans mon livre autobiographique La Vraie Vie.  Cliquez sur le lien ci-dessous :