Je continue la publication ici d'une série de Méditations photographiques, qui seront plus tard publiées en volume.
On appelle antanaclase en rhétorique la reprise d’un mot avec affectation d’un sens différent à chaque occurrence. Ainsi dans Une femme est une femme, le mot femme n’a pas le même sens dans la première occurrence, où le sens est occasionnel, circonstanciel, et dans la seconde, où le sens essentiel, définitionnel.
Or ce mot désigne en grec un reflet visuel, ou un écho sonore : l’exact équivalent en latin serait réverbération. Ainsi en français le mot éclat se dit indifféremment d’un éclat de lumière et d’un éclat de voix.
Parler d’éclats ici renverrait à la section irrégulière des bûches, et aux éclats que fait la lumière en se projetant sur elles. Dans tous les cas, le mot ne renverrait qu’à des fragments. Ce qu’on voit attesterait la fin d’une Totalité, de matière et de lumière, qui aurait précisément volé en éclats. La lumière (partielle) qu’on voit n’est pas la Lumière (totale). Et la seconde miroite dans la première.
Eh bien, un grand courant religieux, hérésie majeure aux yeux de l’orthodoxie chrétienne, a affirmé que le monde que nous voyons n’est qu’un monde déchu et brisé, auquel nous n’avons accès que par éclairs, brefs instants et fragments : cette hérésie, ou plutôt ce choix selon l’étymologie du mot, est la gnose.
Avec ce choix je me sens personnellement en accord, et il oriente un grand nombre de mes photographies ainsi que de mes textes.