Invasions

A

ucune photo n’a de sens unique. Tout dépend du type psychologique de celui qui la regarde. Ainsi celle-ci, montrant des oiseaux en vol qu’on peut supposer être en recherche de nourriture, peut faire penser au grand massacre permanent caractérisant la nature. Cette vision est réaliste, et je dirai logique. Elle est, dans le langage, celle de la métonymie. – Mais aussi, pour certains esprits plus idéalistes, le sens peut être analogique, basé sur la ressemblance, et alors la perspective devient celle de la métaphore. Il m’est arrivé dans un tome précédent, à propos de cette même photo, de développer la première (lien). Je vais donc méditer maintenant sur la seconde.

... Je me lève, l’esprit neuf, balayé par les vents de la nuit. Mais sitôt debout, voici que m’assiège tout un vol de visions, jusqu’à totalement brouiller la transparence initiale. Comme oiseaux acharnés à leur proie, ce sont doutes, suppositions, anticipations, hésitations procrastinantes, qui déchiquètent petit à petit et sans pardon ma substance mentale. Tel celui dont le foie fut mangé d’un vautour, image désormais d’un doute dévorant, en châtiment divin.

En Inde ces parasites mentaux sont des vrittis. Littéralement ce sont des tourbillons, des perturbations de la conscience, dont il convient de s’éloigner, par la méditation yogique. Ces pensées sautantes relèvent de ce qu’on nomme aujourd’hui monkey mind, l’esprit de singe, par analogie avec le manège des singes qui sautent dans les arbres, de branche en branche.

On a alors coutume de dire : Si ton mental vit, tu meurs. Si ton mental meurt, tu vis. Et de fait aucun calme intérieur ne peut s’installer tant que l’esprit est ainsi envahi. Les projections mentales le dérangent, jusqu’à le mettre au supplice. Au contraire, se concentrer sur un sujet précis peut réaliser l’état de non-dualité (advaita), où l’âme du méditant se confond avec l’objet de la méditation.

...Merci, mes oiseaux, de m’avoir permis ici de méditer encore. Puissé-je à l’avenir n’avoir plus peur de vous !

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Cette photo et ce texte sont tirés de ma collection d'ouvrages Petites méditations photographiques, 5 tomes parus, disponibles en version papier et en version électronique (e-book). On peut feuilleter le début de chaque tome en cliquant sur : Lire un extrait. On peut acheter chaque volume sur le site de l'éditeur en cliquant sur : Vers la librairie BoD :