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Moïse qui un jour voulut voir la face de Dieu, celui-ci répondit qu’on ne pouvait la voir, mais qu’il allait passer près de lui, de façon, une fois passé, à être vu de dos : Tu me verras de dos, car ma face ne peut être vue.
C’est à quoi j’ai pensé après avoir fait cette photo. Je me suis dit que si la personne s’était retournée, le séisme que sa vision de dos avait produit en moi aurait bien pu disparaître. Tout simplement parce que le visage aurait pu ne pas répondre aux promesses de ce dos bronzé et de ce chapeau malicieusement couronné d’un foulard rustique. Il aurait pu être disgracié, ou banal, mais ne l’ayant pas vu je pouvais rêver tout à mon aise sur cela seul que j’avais en face de moi.
Ce n’est donc pas la majesté superlative de Dieu que j’avais ici à redouter, mais tout simplement la déception possible d’une figure ordinairement humaine. Le cadrage de ma photo avait manifesté une grande charité. Préservant le mystère, il préservait aussi le désir.
Au fond, l’homme descend du Songe, et il meurt de voir le réel. Les faits tuent les fées. Protégeons ces dernières, et voyons-les encore potentiellement incarnées, comme ici.
... Ce jour-là, c’était l’été, un jour de soleil et de fête dans ma petite ville languedocienne. Tout autour, la foule en liesse dans le clair-obscur mystérieux des platanes, et la musique partout, émanant aussi du manège enfantin visible dans un angle de l’image. Tout était amalgamé, compact, un bloc tout à fait propre à se glisser ensuite dans la mémoire.
Et puis cette vision. Elle. She. Elle qui doit être obéie. J’ai parlé de fées. Ce peut être là une image du destin, du fatum, dont chez moi on dit qu’on peut en devenir fou, fada. – Mais elle s’est éloignée à jamais. Et comme je n’ai pas vu son visage, je m’en souviendrai toujours ...