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est comme si elle venait d’être frappée en plein cœur. Cette phrase, elle ne s’y attendait pas. Ils étaient pourtant en promenade, et en profitaient pour se confier l’un à l’autre. Elle, confiante, elle l’était entièrement. Mais pas lui, apparemment. L’attestait ce qu’il vient de lui dire :
Je t’aime, mais je ne suis plus amoureux de toi.
Pourquoi a-t-il dit cela ? N’a-t-il pas prévu que cela allait lui faire mal ? Et qu’a-t-il voulu dire exactement par là ? Qu’il ne la désire plus, qu’il ne peut plus rêver d’elle, à cause de toutes ces années qui ont accompagné leur cheminement à deux, et qui inévitablement ont écorné leurs mystères ?
Elle s’interroge encore. Mais aussi il m’a dit qu’il m’aime, donc tout n’est peut-être pas perdu. Peut-être dans son esprit est-ce là le plus important...
Quand même, je me sens bien humiliée, à constater que quelque chose qu’il a éprouvée pour moi l’a quitté, cela même qui faisait le si beau début de notre histoire. Et puis, qu’est-ce qui va l’empêcher maintenant d’essayer de renouveler cet état de transport magique, avec une autre ? Il pourra bien continuer à me dire qu’il m’aime, même si dans sa pensée c’est le plus important, et à côté de cela faire la cour à une autre, chercher ailleurs une autre aventure qui le fasse vibrer, qui fasse battre son cœur. Et cela je ne le supporte pas. C’est comme si j’étais cantonnée à la maison, même si cette maison est pour lui un point solide et irremplaçable, avec à mes côtés un compagnon volage et papillonnant. Le proverbe pourtant dit très bien : Qui a deux maisons perd la raison.
Il me semble maintenant que je peux être jalouse de la première venue, qui a sur toute femme un avantage décisif, celui d’être une autre.
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Sortie de ses méditations, elle voulut quand même relever la tête, et jouer sa partie jusqu’au bout.
Elle contacta une de ses amies, et la convainquit d’écrire à son compagnon des lettres fort empressées, ou derrière le prétexte d’un partage simplement littéraire devait se manifester un désir qui allait croissant. Elle devait parler d’une rencontre qu’elle était censée avoir faite avec lui, à l’occasion d’une signature d’un de ses livres. À partir de là il était entendu qu’elle devait déployer tous les charmes de sa coquetterie, exercer sur lui un aguichage, un teasing, d’autant plus efficace que nulle rencontre physique immédiate ne devait se faire.
Elle le voyait relever son courrier le matin, et si une enveloppe de couleur pastel et d’une autre écriture que la sienne y figurait, s’enfermer dans son bureau pour lire la missive à son aise. Puis elle se plaisait à constater dans la journée un léger sourire flottant sur ses lèvres, ou bien à l’entendre fredonner quelque chanson : c’était la preuve que fonctionnait le stratagème.
Enfin, à son instigation, son amie fixa un rendez-vous, depuis longtemps demandé.
Mais ce fut elle-même qui s’y rendit.
C’était dans un parc, sur un banc. Elle s’arrangea pour venir en retard, et, pendant qu’il était assis, arriver derrière lui, sans qu’il pût l’entendre.
Puis, une fois arrivée, elle lui mit ses mains sur les yeux.
Et lui, surpris et émerveillé à la fois, ne put que dire :
– Est-ce vous que j’attends depuis si longtemps ?
Mais elle, lui faisant face maintenant, lui répondit :
– Oui, c’est moi. Et comme il est aisé de faire battre un cœur !
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> Cette photo et ce texte sont extraits de mon ouvrage Amours, édité chez BoD. On peut le commander directement sur le site de l'éditeur. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :
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Remarque > Amours forme un diptyque avec l'ouvrage Savoir aimer - Entre rêve et réalité, édité aussi chez BoD. Il illustre de façon littéraire ce que le second analyse de façon plus philosophique. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :
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