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Le blog artistique de Michel Théron
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Le Bonnet de bain

Le Bonnet de bain

 

D.R.

C’

 

était la première fois qu’ils allaient à la plage ensemble.

Tout à son éblouissement initial et à sa vénération présente, il suivait celle qu’il aimait et les rêves qu’elle lui inspirait.

Elle se dévêtit pour se mettre en tenue de bain, et rejoindre l’eau tout près.

Alors il le vit.

C’était un affreux bonnet de bain orange, en caoutchouc, avec comme ornement une improbable guirlande de fleurs, en caoutchouc aussi. Elle l’avait mis pour protéger ses oreilles, mais non pas son compagnon.

Il l’avait imaginée nageant dans l’eau, cheveux dénoués et libres, ceux qui l’avaient séduit lors de leur première rencontre. Mais pourquoi les emprisonner maintenant dans une pareille horreur ? La naïade romantique, la Vénus anadyomène étaient bien loin. L’ustensile orange les avait détruites. Et disparu était le Botticelli.

Pendant qu’elle se baignait, il méditait sur ce qu’il venait de voir. Était-il possible qu’elle manquât ainsi de goût, et qu’elle n’eût pas pensé, avant de s’affubler de son casque hideux, à l’effondrement des projections qu’il faisait sur elle ? Tout autour de lui, il ne voyait rien d’analogue. Aucune des jeunes filles qu’il observait sur la plage ne portait sur elle un pareil tue-l’amour.

De retour du bain, elle s’assit à ses côtés. Et alors se produisit une nouvelle mais en même temps comparable désillusion.

Le beau maquillage qui géométrisait à merveille son visage avait disparu. L’eau de mer l’avait effacé. Ne restait qu’une figure banale, avec rien en elle qui pût attirer durablement le regard.

Là était donc, se disait-il, tout l’objet de son adoration ! Il avait devant lui une personne insignifiante, manquant de goût et ne reculant pas devant le kitsch, peu soucieuse de sa propre séduction, trahissant ce à quoi elle eût dû être promise : le service de la Beauté. Il n’osait se demander si pouvait être encore pire la vision qu’il pourrait en avoir, par exemple si elle lui apparaissait, surprise le matin à son réveil.

Le bonnet de bain était là, tout près, reposant sur une serviette, comme un pauvre vestige de son amour. Assurément il s’en souviendrait longtemps, et aussi de la leçon qu’il lui avait apportée.

 

... Mais peut-être aussi, les années aidant et la mémoire faisant son œuvre sélective, la pathétique et dérisoire relique changerait-elle, pour lui, son langage.

 

Qui le sait ?

 

*

> Cette photo et ce texte sont extraits de mon ouvrage Amours, édité chez BoD. On peut le commander directement sur le site de l'éditeur. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :

D.R.

> On peut aussi se procurer l'ouvrage en librairie, ou sur les sites de vente en ligne.

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Remarque > Amours forme un diptyque avec l'ouvrage Savoir aimer - Entre rêve et réalité, édité aussi chez BoD. Il illustre de façon littéraire ce que le second analyse de façon plus philosophique. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :

D.R.

> On peut aussi se procurer ce livre en le commandant en librairie (diffusion SODIS), ou sur les sites de vente en ligne.