Vision

Tu me verras de dos,
 mais ma face ne pourra pas être vue.
Exode 33/23

ai toujours été un enfant timide, et cette timidité m’a poursuivi pendant toute ma vie d’adulte. Encore maintenant je ne peux voir un beau visage, par exemple, sans avoir envie de détourner les yeux. Pourquoi ? Tout simplement parce que la Beauté ne me semble pas accessible, et que la contempler seulement est inconfortable, déracinant. Je ne me sens jamais à ce niveau. Elle vient d’ailleurs, elle condamne trop mon monde ordinaire. Alors – comprenne qui pourra ! –je préfère la fuir.

Ou la regarder autrement, de dos par exemple. J’évite alors la vision directe, la sidération pétrifiante, la catastrophe, ou retournement de l’être, causée par la Beauté. Il me semble que cela date de mon enfance même. Plus tard, j’ai appris qu’on ne peut voir Dieu et vivre, et que l’on peut le voir seulement de dos, c’est-à-dire quand il est passé. J’ai lu aussi - et enseigné – l’histoire de Sémélé anéantie par Jupiter, d’Actéon par Artémis, etc. Mais si je me reporte en arrière, je dirai qu’il n’y avait pour l’enfant que j’étais aucune différence entre la Beauté qu’il pouvait voir, et la face de ce Dieu qu’on lui enseignait au catéchisme. Mais y en a-t-il encore une pour moi aujourd’hui ?

.. Maintenant, si elle se retournait, peut-être son visage détruirait-il toute la magie du chapeau et du ruban ? Soyons donc charitable : laissons-la telle qu’elle est...

Telle stupeur
Ouvre le ciel
Visage meurt
Qui se révèle

Ainsi sans trêve
Rentré chez toi
Poursuis un rêve
Que seul tu vois...

*

Cette photo et ce texte sont extraits de mon ouvrage autobiographique Exil. On peut le commander directement sur le site de l'éditeur BoD. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :

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