Voyage

aime beaucoup visiter les ports, arpenter les quais, et rêver aux gréements des bateaux, à leur géométrie compliquée et invitante, animée par le vent. Mais aurais-je un jour vraiment envie du voyage, à quoi ils semblent m’encourager ?

Je ne le crois pas. Cela ne tient pas au fait que, vivant pourtant près de la mer, je suis de famille un terrien, et non un marin. Non, c’est l’idée même de déplacement qui ne me plaît pas. Et cela, depuis mon enfance : s’il m’était donné de pouvoir aller dans un nouveau lieu, aussitôt au désir s’ajoutait la peur. Et même, plus véritablement, la peur l’emportait sur le désir.

Que dire de cette néophobie invétérée ? On va me trouver bien casanier. Mais à cette accusation je peux répondre philosophiquement. Tout le malheur de l’homme est de ne pouvoir se trouver seul et en repos chez lui. Pour s’échapper de lui-même, s’en détourner, il se divertit. Le voyage en est un moyen. Il croit qu’ailleurs l’herbe sera plus verte. Mais c’est une illusion. En réalité chacun fuit en sa propre compagnie. Et c’est d’état d’esprit qu’il faut changer, non de pays et de ciel.

   L’essentiel dans la vie est de se retrouver, de devenir qui on est, non pas de s’oublier dans la manie ambulatoire. Et de rêver, immobile, réuni à soi-même. Laissons donc le voyage, comme les belles femmes, aux hommes sans imagination :

Combien t’attire le voyage
Par ce que vois !
Mais si tu veux être plus sage,
Reste chez toi.

Tu y trouveras tous tes rêves
Que réel tue.
Créateur de mondes sans trêve
Ainsi sois-tu...

*

Cette photo et ce texte sont extraits de mon ouvrage autobiographique Exil. On peut le commander directement sur le site de l'éditeur BoD. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :

> On peut aussi se procurer l'ouvrage en librairie, ou sur les sites de vente en ligne.