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Le blog artistique de Michel Théron
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Le cœur a ses raisons

Le cœur a ses raisons

Q

 

uand elle le voyait, elle sentait battre son cœur. Et aussi quand, absent, elle songeait à lui. Elle en était totalement, dirai-je, pénétrée. Et elle désirait unir sa vie à la sienne.

Ses amies pourtant la prévenaient. Il aimait faire le joli cœur auprès de beaucoup de partenaires, et aussi il aimait boire jusqu’à l’ivresse, en suite de quoi il pouvait devenir agressif, violent.

Mais elle ne les écoutait pas. Seraient-elles jalouses, d’ainsi vouloir le dénigrer à ses yeux ? Et puis ce pouvait n’être là que péchés de jeunesse, qui disparaîtraient avec la maturité. Elle ressentait pour lui un amour si entier qu’elle était prête à tout affronter. Ne dit-on pas que l’amour transforme, non seulement celui qui l’éprouve, mais aussi l’objet vers lequel il se porte ? Il n’est aucun miracle dont il ne soit capable.

 

Ils se marièrent.

 

Lors de la cérémonie, à l’église, le prêtre, en matière de conseils, leur lit le passage bien connu de l’épître aux Corinthiens, où il est dit que l’amour surpasse toute connaissance, et est capable de tout supporter. Elle était aux anges, trouvant dans ces paroles confirmation de tout ce qu’elle pensait et avait lu jusque là. Les sages pouvaient bien dire ce qu’ils voulaient, leur sagesse serait réduite en cendres ! Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas.

 

Dans les premiers temps, tout se passa bien pour elle. Il était attentionné et prévenant, comme doit l’être un bon mari. Cependant, elle constata qu’il rentrait chez eux de plus en plus tard, et dans un certain état de volubilité incontrôlée qui commençait à l’inquiéter. Elle ne savait plus quoi penser. Enfin une de ses amies lui dit qu’elle l’avait vu entouré de copains et de copines menant grand bruit et grand train dans un bistrot. Ivresse et flirts y semblaient la règle.

Aux demandes d’explications qu’elle lui adressa, il ne répondit rien. Elle ravala ses reproches, se disant, comme l’avait rappelé le prêtre que l’amour supporte tout, et qu’il peut tout faire changer.

 

Les mois passèrent, sans qu’il changeât. Elle continuait, néanmoins, à tout supporter.

 

Mais un jour elle le rencontra, inopinément, en ville et en galante attitude avec une femme qu’elle ne connaissait pas.

La mesure était comble. Le soir même, elle lui demanda des comptes sur ce qu’elle avait vu. Elle était prête encore à lui pardonner, si du moins il montrait quelque repentir.

Mais il ne songea même pas à mentir, à alléguer par exemple la rencontre d’une vague parente. Il lui signifia qu’il ne l’aimait plus, et qu’il en aimait une autre. Elle devait de toute façon se faire à cette idée.

– Jamais, lui-dit elle, je ne l’accepterai.

En réponse, il la menaça de sa main levée.

C’était la première fois qu’il se comportait ainsi avec elle.

Elle s’enfuit. Et ses sanglots disaient que l’amour ne peut pas tout supporter, pas plus que le cœur quand la raison est absente.

 

***

Ce texte est extrait de mon livre Amours, publié chez BoD. Il est fait de petites fictions concernant le sentiment amoureux et les situations dans lesquelles il se manifeste. Avec mon autre ouvrage, Savoir aimer, à contenu plus philosophique, il constitue un diptyque. Pour plus de renseignements sur ces deux livres, cliquer sur les images ci-dessous :

 

D.R.

 

D.R.