Cette brûlure...

a photographie est étymologiquement une écriture par la lumière. Mais quand cette dernière est trop intense, elle surexpose le film argentique, ou bien outrepasse la sensibilité du capteur numérique – bref elle brûle l’image, comme ici.

Combien de brûlures dans nos vies mêmes ! Je veux parler ici des expériences que l’on fait quand on est confronté à une Transcendance, quelle qu’elle soit. Ce peut être le cas d’une révélation religieuse, lorsque se découvre le voile qui ordinairement recouvre le dieu, au péril du spectateur. Toute théophanie, on le sait, est meurtrière. Nul ne peut me voir et vivre, dit le dieu biblique. Aussi faut-il mourir pour le voir...

Mais je pense aussi à la vision de la beauté. Elle sidère, cloue sur place, et alors aussi les yeux en sont comme brûlés. On pourrait préférer ne pas l’avoir vue, car elle nous a fait miroiter autre chose que ce que nous connaissons dans nos pauvres vies, médiocres et tièdes. Mais à elle il faudra survivre, hélas !, et retomber dans la modicité quotidienne. Que ne nous est-elle totalement étrangère ! Pourquoi cet aguichage, ce teasing, si c’est pour nous reprendre après ce qu’elle nous a donné un instant, nous refermer une porte qu’elle nous a ouverte ?

Bien sûr, nous pouvons regretter la brûlure de ces instants : ils nous déstabilisent trop, ne serait-ce que par le regret de ce qu’un moment ils nous ont fait entrevoir, l’insatiable désir qui suit la sidération, le désastre de l’astre enfui. Nous pouvons envier ceux qui ne les ont pas connus, ou ceux qui vu leur nature les connaîtront jamais. Vouloir partager leur vie que n’a effleurée aucune aile désirante. Ce sont des tièdes, et on voudrait sans doute être comme eux.

Mais c’est à tort. C’est la brûlure qui fait vivre, et son absence qui fait dépérir, et enfin mourir.

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Cette photo et ce texte sont extraits du tome 2 de mes Méditations photographiques (BoD, éd.). Pour des renseignements sur cet ouvrage, cliquer sur l'image ci-dessous :