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il est vrai que le soleil ne se peut regarder en face, illustrant le danger qu’il y a dans toute théophanie, au moins pouvons-nous le voir ici reflété et éparpillé en innombrable petits soleils, à la surface de l’eau, sur fond de plis colorés, formant une sorte de dentelle marine.
De même, nous voudrions dans nos vies connaître de grands éblouissements, et qui durent longtemps. Mais ce n’est pas possible, le temps fait son œuvre, qui aplatit tout. Qui se souvient des premiers feux de la passion, par exemple ? De la sidération lors de première rencontre ? Malheureusement l’habitude a suivi, et le grand soleil illuminant des débuts a bien pâli dans la suite.
... On pourrait trouver désespérantes ces constatations, si au fond de nous-mêmes ne se trouvait encore, à l’image de cette photo, un trésor de bijoux scintillants, un collier de perles lumineuses, égrené sur fond de tissu moiré. Ce sont les éclairs de souvenirs qui nous visitent, et qui nous rappellent ce qui fut un instant connu, et qui ne peut nous être enlevé. – Et aussi ce sont encore certains moments privilégiés, inopinément survenus, qui nous font entrevoir et désirer autre chose que ce que nous connaissons dans notre vie déchue, en nous en montrant le début, le fragment.
Il faut se rendre à l’évidence. La Totalité, la Lumière initiale, a été brisée. Elle est comme un miroir cassé ne reflétant la clarté que dans ses petits morceaux. Plus jamais l’ensemble ne sera à nous. Mais au moins pouvons-nous en pressentir l’existence à voir les éclats qui en restent. Et nous ne sommes pas totalement orphelins.
Comme dans cette photo, au fond de notre cœur réside aussi un ciel étoilé, avec ses comètes, ses astres et planètes, toutes ses constellations. Écoutons Angelus Silesius :
Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?
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