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ientôt ils seront fondus, et de leur pureté il ne restera rien. Mais précisément c’est à cause de leur côté éphémère qu’ils sont précieux et nous touchent. Ils nous donnent une leçon : la beauté ne dure pas, et tout est promis à la disparition. Aimez ce que jamais on ne verra deux fois.
Quand on comprend, comme le bouddhisme l’enseigne, l’impermanence de toutes choses, on peut être d’abord choqué, tant est grand l’empire qu’exerce sur nous notre ego, qui ne supporte pas la perspective de son anéantissement futur. Mais ensuite on peut être rasséréné. D’abord parce que la vie comporte beaucoup de déconvenues, dont il n’est pas un mal d’être débarrassé. Ensuite parce que l’évanouissement est le lot commun, et de cette constatation on peut tirer consolation.
Bien sûr je disparaîtrai, comme ces fétus de neige. Bien sûr ma pureté s’est perdue au sortir de l’enfance, comme la leur se perdra avec leur disparition. Mais au moins ils me la rappellent, et je peux à les voir essayer d’être plus pur moi-même, c’est-à-dire non divisé et non partagé, comme l’a été, et l’est encore en moi, l’Enfant d’autrefois, qui regardait toutes choses avec un regard simple.
Quand la contemplation d’une image, comme ici cette photo, conduit à faire le point avec soi-même, son but est atteint. Ici dans son dépouillement, son laconisme (c’est un haïku plastique) elle permet de réévaluer toutes choses, et de prendre la décision d’aller vers le Simple. Ce Simple que les gens d’ordinaire, écartés d’eux-mêmes et vivant à leur seule surface, trouvent monotone.
Il me dit que le plus important dans la vie est de ne pas attacher d’importance aux choses qui n’en ont pas, et de ne pas passer à côté de ce bref instant qu’est toute existence. La vie s’écrit et se découpe sur le fond d’un grand Vide blanc immaculé et abstrait qui annule et ensevelit toutes choses, comme la neige recouvre et efface tout ce qui existe.