L'art de faire du feu

Je continue la publication ici d'une série de Méditations photographiques, qui seront plus tard publiées en volume.

C’est affaire de réflexion, comme au reste beaucoup de choses (je pense aussi à l’art de tailler arbres et arbustes, beaucoup de jardiniers me comprendront).

Donc il ne faut pas entasser les bûches pêle-mêle, et de façon compacte, car l’air ne peut circuler entre elles, et le feu ne prendrait pas ou s’étoufferait. Il faut d’abord délimiter le sujet, au moyen de deux grosses bûches, une en arrière et l’autre devant. C’est entre elles que l’essentiel va se passer, que va se situer le foyer. Dans ce dernier il faut disposer précautionneusement des bûches plus petites, en ménageant entre elles les interstices que j’ai dits. Surtout ne pas se presser, avoir des mouvements lents, car l’édifice s’écroule si on va trop vite. Il faut se calquer par exemple sur l’allure du chat, aux antipodes de celle du chien. Attitude caressante et non prédatrice, effleurante simplement, asymptotique même. Qu’il y ait décision dans les gestes, certes. Mais on ne doit pas la sentir. Comme si l’essentiel était encore à deviner. Le feu se nourrit de tous ces gestes attentionnés. Aucun ne doit être définitif. Aussi bien on s’engage avec lui pour beaucoup d’heures. Ne pas trop l’alimenter chaque fois. Ce qui étoffe, étouffe. Il y a une ineptie à vouloir conclure.

Une fois rendu à la contemplation, elle ne dispense pas d’une attention régulière. Si d’aventure clarté et chaleur corrélative diminuent d’intensité, il faut ranimer la flamme. À cela servent des ustensiles connus, comme le soufflet, ou le pique-feu. Effectivement tisonner les braises peut ressusciter un feu en péril. Parfois changer simplement de place un élément de l’édifice suffit à redonner le Souffle à l’ensemble. ...

... Mais tout ce que je viens de dire ici s’applique aussi à l’art d’écrire.