Je continue la publication ici d'une série de Méditations photographiques, qui seront plus tard publiées en volume.
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ant de barrières encadrent nos vies, tant d’injonctions ! Chemins balisés, voies à suivre, où est notre liberté ?
Elle est, il me semble, de jouer avec tout cela. Si nous ne nous sentons pas d’humeur à composer avec ce qu’on nous intime, au moins pouvons-nous composer une image, comme ici. Dérisoire réflexe, dira-t-on. Mais essentiel, car nous appartenant en propre.
Si la vie sociale est un Grand Jeu, un Grand Théâtre, jouons donc, mais avec conscience du jeu. Prêtons-nous aux autres, mais ne nous donnons-pas. Tâchons à de certains moments nous appartenir, ce qui est littéralement nous tenir à part.
Donc ces balises ambulatoires, il ne faut pas suivre l’ordre qu’elles nous donnent, pour diriger nos pas. L’ordre maintenant, c’est nous qui le leur imposons, dans la composition de la photo. Le cadrage est souverain, il signe notre liberté.
Je ne suis pas un mystique du cadrage, comme on l’a dit de Cartier-Bresson. Je ne pense pas qu’il y ait une géométrie secrète, un ordre caché, à retrouver dans tout ce que nous voyons. Il suffit que nous puissions installer quelque ordre à quelque moment dans le spectacle du monde, pour arracher ce dernier à sa contingence essentielle, et donner aux choses hasardeuses une impression de nécessité. Jouons donc, avec les ombres et les lumières, et défions l’aléatoire de toutes choses.
Et à la fin la pièce est jouée (acta est fabula), et le jeu, terminé (game over)...