Je continue la publication ici d'une série de Méditations photographiques, qui seront plus tard publiées en volume.
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inalement il y a trop de sérieux dans nos vies. Prenons exemple des enfants : vivre, pour eux, c’est jouer. Nous devons comprendre que nous en sommes les fils : c’est d’eux essentiellement que nous venons. C’est bien du jeu qu’ils tirent tout leur allant, et un vieux chien ne joue pas.
L’éventail ne sert pas qu’à s’éventer. Il peut servir comme ici la mise en scène. Posé sur le sol plat, par son rythme formel il peut faire croire qu’il surplombe un escalier. Pourquoi refuser à cet instrument un usage définalisé ? La vie n’est-elle pas un grand théâtre, où chacun joue sa partie ?
Elle est parfois tragique, parfois comique, mais est-elle sérieuse ? Il faudrait y figurer avec distance, avoir le sentiment constant qu’on ne fait que participer à un Grand Jeu, d’y faire comme si. Avoir par exemple la volonté pour entreprendre, et l’intelligence de ne pas s’attacher à ce qu’on entreprend. Agir, mais comme si l’action servait à quelque chose ; écrire, comme si écrire servait à quelque chose, etc. C’est la leçon de la Bhâgavat Gita.
Notre culture a du mal à accepter l’idée d’un Dieu dansant, comme le Shiva indien, l’équivalent du Dionysos grec. Et à admettre que les dieux s’amusent de nous en agitant devant nous le voile des apparences, comme le matador leurre le taureau au moyen de sa muleta. Le jeu divin (līlā) et le voile phénoménal (māyā) nous surprennent.
Pourtant ces dieux joueurs sont une partie de nous-mêmes. Leur souvenir persiste dans notre imaginaire. Et ne dirait-on pas dans cette photo que le soleil joue avec l’ombre ?