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Le blog artistique de Michel Théron
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La Beauté meurtrière

La Beauté meurtrière

D.R.

La Beauté meurtrière

... On ne peut voir Dieu et vivre. Tout contact avec le divin anéantit ou réduit en cendres. Dieu protège Moïse de son regard, mais Jupiter foudroie Sémélé, Diane Actéon, et Psyché perd Cupidon de l’avoir vu. Mais notre lot ordinaire n’est pas celui-là. Il est plutôt celui de l’attente ou de la remémoration de l’essentiel que celui du contact avec lui. Tu me verras de dos, dit le Dieu de L’Exode, c’est-à-dire quand je serai passé. Passé, il est du passé. On s’en souvient et on l’attend. Voilà notre mesure. La pure présence pétrifie, nous fait périr. Ou au moins de sa manifestation fugitive on garde une blessure, comme celle de Jacob à sa hanche, après son combat avec un être (ange ?), figure visible de Dieu.

Pareillement pour la Beauté. Le Beau véritable fait peur, comme toute expérience extrême. Certains êtres sont totalement protégés par leur beauté. Y toucher serait profanation. La beauté retranche de la vie, et il n’est pas dit qu’il faille la souhaiter à quiconque. Elle engendre inaptitude au bonheur, et pour celui qui la possède, et pour celui qui la contemple.

C’est pourquoi la beauté n’est pas avenante. Elle est accablante. On meurt en elle, on meurt en beauté. Elle est catastrophique, étymologiquement par le retournement de l’être qu’elle opère. Torsion, déchirure. Le beau est le commencement du terrible, comme ces anges qui nous déchirent par leur vue ou leur voix. Excessive, la beauté est surhumaine ou supra-humaine, non à la mesure des hommes. Le teasing du maquillage nous fait entrevoir autre chose, déchire nos jours gris, pour notre malheur. Celles qui se maquillent ne savent pas le mal qu’elles nous font.

Beauté destinale, fatale (fatum veut dire destin en latin). L’appel que tu suscites en moi me dérange et me déstabilise. Que ne puis-je fermer les yeux ? La beauté est sommation, surrection, appel : le grec kalos, beau, est parfois rapproché de kaleîn, appeler. Cette vocation, peut-on faire autrement que la fuir ? Mais quelle nuit hagarde jeter, lambeaux, sur ce regard navrant ?

Tu me tues, tu me fais du bien. Beauté oxymorique, tu menaces, car je ne serai jamais à ton niveau. Excessive, too much. Triste, car tu le sais. Inquiétante, car j’y perds mon repos. Tu ne me fais pas agir, tu me pétrifies. Stupéfait, je m’immobilise. Catalepsie, hypnose. Aucun désir physique même ne se lève d’un visage vraiment beau. L’absorption dans la contemplation s’oppose au vouloir-vivre. C’est un vouloir-mourir au contraire. Le désir est sans remède. On meurt de ne pas mourir. Le papillon se brûle à la flamme qui l’attire. Aussi l’éphémère ébloui qu’est tout homme ici-bas. Aussi l’amoureux de la beauté, caressant son propre tombeau...

***

Ce passage est extrait du chapitre 3 de mon ouvrage Quand parlent les images - Méditations photographiques, publié chez BoD. Il est disponible en format papier et en format électronique (e-book).

Pour en feuilleter le début, cliquer ci-dessous sur Lire un extrait. Pour l'acheter sur le site de l'éditeur, cliquer sur Vers la librairie BoD :

Quand parlent les images
Théron, Michel
18,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Le langage de l'image est celui que nous tenons en la contemplant. Sa signification est celle de notre propre discours intérieur, qu'il convient d'analyser dans tous ses procédés, ce que fait le présent ouvrage. Il est composé de méditations que l'auteur a faites sur des photographies qu'il a réalisées lui-même à partir d'un visage féminin. Ces méditations ne sont pas que didactiques. Elles incluent aussi sensibilité et rêverie. De la sorte, ce livre pourra intéresser (...)

Voici le texte complet de la quatrième de couverture :

Le langage de l'image est celui que nous tenons en la contemplant. Sa signification est celle de notre propre discours intérieur, qu'il convient d'analyser dans tous ses procédés, ce que fait le présent ouvrage.
Il est composé de méditations que l'auteur a faites sur des photographies qu'il a réalisées lui-même à partir d'un visage féminin.
Ces méditations ne sont pas que didactiques. Elles incluent aussi sensibilité et rêverie. De la sorte, ce livre pourra intéresser tous ceux qui en général aiment les images et les mots, ainsi que leur dialogue souvent très fécond.