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Ange du bizarre a dû présider à la réalisation de cette image. Pourquoi en effet y a-t-il absence totale de circulation sur cette voie urbaine, qu’il s’agisse de piétons ou d’automobiles ? Un vide l’habite, que je dirais, si je n’avais pas peur d’être pédant, métaphysique. Je me contenterai d’y voir une atmosphère onirique.
Ce climat est augmenté par l’usage du grand angle, qui ouvre le champ bien davantage que celui que peut couvrir l’œil humain quand le regard reste immobile. J’invite le lecteur à fixer son regard par exemple sur le plot du bas. Il conviendra qu’il ne peut voir ceux du haut en même temps et sans bouger son regard. L’inverse aussi (fixer le haut, voir en même temps le bas, regard immobile) est impossible. Vision du grand angulaire, perspective accélérée : ce sont toutes façons de nommer l’agrandissement du champ visuel.
Le rêve pareillement met le dormeur au contact d’impossibilités spatiales, comme des perspectives tordues ou bossuées. Et la lumière aussi semble irréelle, artificielle, alors qu’il s’agit simplement d’une lumière de fin du jour. Pas de truquage ici.
Maintenant, si le poète prend le relais du photographe, que nous dira-t-il ?
J’aime beaucoup ces espaces vides, où ont disparu les humains qui courent haletants à leurs œuvres perverses. J’aime cette lumière chaude, répandue sur tous les objets, reflétée aussi et diffractée, comme l’onction d’un miel. Un chemin m’accompagne où je suis libre de rêver à ma guise. Que vouloir d’autre, en un monde déchu, étranger à la contemplation et au loisir ? Ah ! Que jamais ne cesse ce rêve !
S’éveiller, c’est mourir.