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ongtemps l’Église a été habitée. S’y pressaient des gens pleins de foi et de ferveur, qu’avait attestées l’édification même du bâtiment, parmi des milliers d’autres : Bibles en pierre. Qu’en est-il aujourd’hui ? Le lieu de culte n’est plus guère fréquenté, beaucoup moins en tout cas que ces temples de la consommation que sont les supermarchés. Là sont les dieux modernes, et l’ancienne ferveur y cède la place à la goinfrerie générale.
Les cloches dans l’Église appelaient aux offices, et scandaient la vie des gens : naissances, mariages, enterrements. On en est loin maintenant. Avec le vacarme de la circulation, on ne les entend plus. Et même, quand on les entend, certains se plaignent du bruit qu’elles font.
Celles-ci ornent le clocher-mur d’une église d’Occitanie. Les gens du coin, poétiquement, les appellent Les Demoiselles. Effectivement, découpées en contrejour sur la photo, elles y font bien penser. Au fond, ne serait-ce pas là la seule chose qui nous reste, pour faire face au retrait des Dieux ? La poésie...
Et aussi toute création. Quand j’ai fait cette photo, j’ai essayé de faire face au soleil, au rebours de ce qu’on enseigne en photographie. Des artefacts colorés, aberrations optiques visibles sur l’image concourent peut-être à sa poétisation. Je n’en suis pas particulièrement fier, car la chose peut se reproduire facilement et devenir un procédé. – Au reste, le hasard ici m’a servi. Le divin hasard... C’est peut-être la seule chose à laquelle je crois maintenant, en matière de religion...
Néanmoins ma nostalgie va toujours vers cet ancien monde où nous étions protégés par une construction symbolique qui finalisait notre vie. Qu’a-t-on gagné à s’en éloigner ? Une errance désorbitée. Un caddie à pousser. Du néant sous des néons. – Je pense à ce que dit le poète :
Obéissez à vos porcs qui existent, je me soumets à mes dieux qui n’existent pas.