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ongtemps j’ai cherché à lire du sens derrière les choses, je me suis exercé à y voir comme des allégories, pensant qu’elles disaient autre chose qu’elles-mêmes (allo agoreuein). Et encore aujourd’hui je le fais bien volontiers. C’est là une part de moi-même, que je relie à mon enfance, où j’animais toutes choses pour les modeler à ma propre image, dialoguer avec elles et les rendre plus proches de moi. Il serait absurde de vouloir m’en débarrasser.
Pourtant je dois penser que les expériences de saisissement lors de certaines visions excluent totalement les mots. Quand ceux-ci sont convoqués et entrent en scène – et ils ont une propension à le faire toujours –, ils remplacent l’émotion au lieu de l’exprimer, et s’éloigne le saisissement lui-même, avec sa capacité, je dirai spirituelle, à nous décrasser du sens. Dans ce cas, comme dit Lao-Tseu :
Celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas.
La rose est sans pourquoi...
Angelus Silesius
Toujours fut pareil et toujours fut là
Ce qu’un jour enfin on s’arrête à voir
Comme si c’était la première fois
Et l’image alors en reste en mémoire
Elle ne dit rien ne signifie rien
Mais s’impose aux yeux par seule présence
Elle constitue le plus précieux bien
Et les mots y sont réduits au silence
Les bavards voudraient la faire parler
Pour n’importe quoi la tâche est facile
Mais hors le parti d’un respect muet
Rien n’y sera dit qui ne soit futile...
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Cette photo et ce texte sont extraits de mon ouvrage autobiographique Instants de lumière. On peut le commander directement sur le site de l'éditeur BoD. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :
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