L |
a vie n’est pas douce. C’est un massacre permanent. Tout ce qui vit n’a qu’un souci : survivre, et pour cela manger et ne pas être mangé. Ceux qui voient de la bonté dans la nature oublient cette règle. La bonté est une exigence humaine, toujours fragile, et démentie par le monde tel qu’il va. La norme est mise à mal par les réalités.
Pourtant certaines images semblent contredire la loi générale. Par exemple, comme ici, la douceur vaporeuse d’une orchidée toute en nuances, dans un camaïeu de rose. À les voir, on se prend à rêver d’autre chose que le réel des faits. Pourquoi pas d’un monde de fées ?
Bien sûr les images positives comme celle-ci font bon marché de tout le négatif de l’existence. On peut les voir menteuses, et leur mise en avant comme de simples consolations oublieuses de la vraie vie. Pourquoi pas kitsch aussi, si une essentielle caractéristique du kitsch est l’oubli du réel ?
En réaction, on peut même vouloir les détruire, comme des impostures trahissant ce qu’on connaît quotidiennement en matière d’épreuves, de déceptions, de souffrances, etc. Je vois cette réaction à la base de beaucoup d’iconoclasmes, refus postulatoires du mensonge et de l’euphémisation.
Pourtant je pense qu’il ne faut rien exclure. Qui est le plus heureux, celui qui lucidement voit le monde tel qu’il est, ou celui qui s’abuse à son égard ? Et finalement, s’abuse-t-il vraiment ? Qui oserait le dire ?
Décidément, je me moquerai ici des réactions intelligentes, et aimerai cette image, même naïvement. Qu’elle puisse orner un calendrier des Postes ou une boîte de chocolats ne me gêne pas. Je n’ai nulle envie de la recouvrir d’un graffito vengeur. Autant compte douceur que violence, et tendresse que cruauté, il ne faut l’oublier dans la vie. Le pire n’est pas toujours sûr.
*
Cette photo et ce texte sont extraits du tome 2 de mes Méditations photographiques (BoD, éd.). Pour des renseignements sur cet ouvrage, cliquer sur l'image ci-dessous :