Symbiose

y eut un jour, ou une époque de ma vie, où je fus entouré. Tout était amalgamé, faisait un bloc sans fissure, proposait un grand moment de plénitude.

Tels furent, je pense, certains instants de mon enfance. Le monde entier m’apportait tribut, et de le sentir proche et fraternel je me sentais enfin justifié de vivre. Le manque de confiance, les blessures reçues dans le reste de mon existence avaient disparu, le désir d’un monde en ordre aussi n’avait plus lieu d’être, car on ne désire que ce qui nous manque, et l’ordre était bien là.

Et maintenant, en considérant cette photo, il me semble qu’elle y répond parfaitement. Tout y est uni, et le ciel par le nuage, et la terre par les tiges d’herbe, et l’eau aussi en arrière-plan. Comme si un admirable peintre avait recouvert un fond d’un bleu profond d’un glacis blanc et de hachures vertes. J’imagine la rapidité de ses gestes, qui me font penser à l’action painting.

Évidemment dans mon enfance je ne pouvais pas faire ces rapprochements. Mais le sentiment était le même d’un monde unifié. Et le contemplant je m’y identifiais. Lui et moi ne faisions qu’un.

Depuis, j’ai su aussi que la non-dualité est un principe de toutes les spiritualités du monde, qu’en Inde on appelle advaita. Mais j’ai connu le sentiment bien avant d’en apprendre le nom. Et c’est l’Enfant en moi qui me l’a appris.

... Lorsque l’enfant était Enfant, il était aussi le nuage qu’il voyait sous ses yeux sans songer qu’il n’était que reflété dans l’eau, les tiges vertes qu’il pouvait caresser, et l’eau surtout, si fraîche aux mains avides.

L’enfant une fois grandi, tout cela disparut. Et maintenant ...

Quand tout se mêle

Je me souviens

D’un monde ancien

Et qui m’appelle...

*

Cette photo et ce texte sont extraits du tome 2 de mes Méditations photographiques (BoD, éd.). Pour des renseignements sur cet ouvrage, cliquer sur l'image ci-dessous :