Lumières

ous les cherchons toujours dans l’obscurité de nos vies, pour nous y éclairer et aussi peut-être nous y réchauffer. Comme la petite marchande d’allu­mettes du conte célèbre, qui se réchauffe de ses petites flammes, tant qu’elle peut en disposer. Mais malheureusement vient un moment où elle ne le peut plus, et où elle disparaît dans le linceul de la nuit.

Lumières aussi sont toutes les fictions par lesquelles nous donnons clarté et sens à une existence qui en est dépourvue. Comme encore cette héroïne du plus grand conte de la littérature arabe qui invente chaque soir un nouveau récit pour un Roi qui peut la faire mourir s’il n’en est pas satisfait. Tous les jours elle recule l’échéance. Mais pourra-t-elle le faire toujours ? C’est une figure de notre situation. Nous parlons devant la mort comme le causeur adossé à la cheminée.

Mais ces lumières et ces fictions sont extrêmement fragiles, et toujours menacées. Comme ici les petits cierges s’épuiseront et finalement disparaîtront. Leur beauté couronnée de reflets n’aura qu’un temps.

Cependant dans l’instant où elle existe, mieux vaut sans doute en jouir plutôt que de penser à sa fin. Au moins pouvons-nous comprendre un paradoxe essentiel. La flamme ici a une telle présence qu’elle semble donner vie à une scène qui sans elle n’existerait pas. Il n’est de vraie vie qu’illuminée.

De même l’homme est le fils de ses propres fictions. Certes elles naissent de lui, sans lui elles ne sont pas, mais aussi une fois nées elles semblent venir d’ailleurs et de plus grand que lui, elles sont plus que lui, l’instituent en humanité, et lui donnent vraie existence. Sans elles, il n’est rien, il n’existe pas.

... Ce n’est pas le cierge qui fait la flamme, mais la flamme qui fait le cierge.

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