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ur un versant montagneux battu par les vents, solitaire, s’opiniâtre et résiste un petit arbre, qui ce jour-là m’a donné une leçon : celle du courage d’être.
Il en faut en effet, pour tous les matins encore se lever, en héroïque résurrection, pour aller au-devant de tout ce que la journée, la vie en raccourci, peut apporter de déceptions et déconvenues. Certes on pourra m’objecter que je m’en fais une vision trop noire, trop ancienne mode. Peut-être. Mais de là à penser que la vallée de larmes de jadis puisse se transformer en club Méditerranée, il y a plus qu’un pas, que je me refuse à franchir.
Sérieusement, du premier cri au dernier souffle, que de soupirs ! L’école de la vie n’a pas de vacances. Qu’attendre d’un monde où en naissant on est à peu près sûr de voir mourir son père et sa mère ? Où de deux êtres qui s’aiment l’un est sûr de voir mourir l’autre ? Et aussi, pourquoi fêter, comme tous le font, les anniversaires – c’est-à-dire ce qui nous rapproche invinciblement de la tombe ? Je ne le comprends vraiment pas, même si sans doute je suis le seul à poser la question...
Non, vraiment. Ce qui nous retient dans l’existence, c’est peut-être moins sa séduction propre que simplement la peur de sa fin. Et pourtant n’est-ce pas totalement illogique, si le trépas vient tout guérir ?
Je ne voudrais pas cependant minorer le courage de ceux qui vivent quand même, réactivant le stoïcisme ancien. Le Loup de Vigny souffre et meurt sans parler, défiant le silence du ciel : c’est sa dignité à lui. Comme celle du Sisyphe antique, relu par Camus : le rocher retombé, il le remonte, sans fin. Monde et tâche absurdes, certes, mais y faire face n’est pas sans grandeur, sans panache.
Bien sûr, on préférerait peut-être que cette situation ait un dieu pour spectateur, et éventuellement entraîne de sa part une récompense quelconque. Or ce n’est pas le cas. Alors, comme dit Cyrano, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! Sur les ruines de tout espoir ne reste que la beauté du geste.
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