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Le blog artistique de Michel Théron
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Famille

Famille

Q

 

ue lui est-il arrivé ?

– Tout plein de l’enseignement de son Maître, il a voulu pour le suivre rompre tous les liens avec sa famille. Souvent j’ai voulu l’en dissuader, au nom d’un élémentaire principe d’humanité. Mais il s’entêtait, il me répétait qu’il devait jusqu’à les haïr. A Manifestement rien ne pouvait le retenir, et cela a duré jusqu’à ce fatal projet...

– Lequel ?

– Il décida que, pour être fidèle à ce que son cher Maître disait, il devait sacrifier, pour compléter les objets de sa haine, même sa propre vie. A Aussi fomenta-t-il cet attentat que tu sais, et dont tout le monde a parlé. Il devait être son grand geste, le tribut qu’il devait à son Maître. L’acte échoua, et le voilà maintenant en prison. Pauvre de lui !

– Peut-on l’y aller voir ? Peut-on lui parler ?

– Je ne sais. Au surplus je ne sais si cela lui serait utile.

– Au contraire, cela pourrait le faire réfléchir sur ce que lui a dit son Maître. Peut-être les mots que tu m’as rapportés ne sont-ils pas ses derniers. Et peut-être aussi les a-t-il mal compris...

– Que veux-tu dire ?

– Vois. Il est sûr que pour progresser dans la vie il faut rompre les liens avec les membres de sa famille. Je parle des liens du sang. Parfois ils sont plus affreux que des nœuds de serpents. Et en bien des cas tout le monde n’a pas la chance d’être orphelin.

– C’est horrible ce que tu dis.

– Oui, mais c’est vrai, malgré ce qu’on pense et dit pour se rassurer, et pour s’aveugler. Si donc ce qu’a dit le Maître à notre ami est seulement ce que ce dernier t’a rapporté, rester sur cette constatation est décourageant, ou horrible comme tu dis. Mais heureusement ce n’est pas le dernier mot de la question.

– Comment cela ?

– Le Maître a différents disciples qui rapportent ses paroles. Il convient de les écouter tous, de chercher si certains mots qui nous désespèrent chez celui-ci, ne sont pas complétés chez celui-là.

– Explique-moi.

– Il est sûr que nous sommes toujours déçus par les membres de notre famille. Proches d’eux, nous ne pouvons qu’en voir les défauts. Ils ne répondent pas à notre attente. Mais enfin, cette attente nous habite, et elle est essentielle. Il faut s’y raccrocher, et au lieu de comparer la réalité de nos parents avec ce que nous espérons d’eux cramponnons-nous à ces grandes images. Elles nous instituent à la fois et nous font vivre. Sans elles, nous errons. Chacun cherche son Père dans son père, et sa Mère dans sa mère. Ce sont les caryatides imaginaires qui soutiennent l’enfant-balcon. Tant qu’elles sont en nous, nous ne sommes pas seuls. Le Père reste au fond de nous comme incarnant la Parole qui sépare et la Loi, et la Mère l’accueil inconditionnel. Et peut-être au fond... Mais faut-il le dire ?

– Quoi donc ?

– ... peut-être ces images de nos parents sont-elles pleinement réactivées en nous seulement quand ils meurent : alors ils redeviennent ce qu’ils avaient cessé d’être : de vrais Parents.

– C’est bien dommage il me semble.

– Mais c’est ainsi sans doute. Aussi faut-il tout au long de la vie à la fois « haïr » son père et sa mère réels, c’est-à-dire s’en séparer, et aimer son Père et sa Mère idéaux. Et le Maître l’a bien dit, mais ailleurs. B Et il est dommage que notre ami ne l’ait pas su. – Quant à la « vie » qu’il faut haïr...

– Eh bien ?

– C’est la vie ordinaire, banale. La vie essentielle au contraire s’ordonne au règne de l’Esprit. Cette vie spiritualisée, c’est la Mère idéale qui nous la donne, comme le Maître l’a dit encore. B Aussi je pense qu’il y a erreur ici. Haïr sa vie n’est pas courir au martyre, comme notre ami l’a cru, mais prendre acte de cette soif spirituelle d’une autre vie en regard de laquelle la première n’est rien, ne compte pour rien.

– C’est donc ce que tu veux lui dire ?

– Oui, et à bien d’autres aussi qui sont dans son cas. Tant on se trompe à entendre et agir trop vite, et à ne pas creuser et réfléchir davantage !

 


A Luc 14/26 : « Si quelqu’un vient à moi, et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. »      
B Évangile selon Thomas, logion 101 : « Celui qui ne récuse son père et sa mère comme moi ne pourra devenir mon disciple, et celui qui n’aime son Père et sa Mère comme moi ne pourra devenir mon disciple. Car ma mère m’a engendré, mais ma véritable Mère m’a donné la vie. »

 

*

Ce texte est extrait du tome I de mon ouvrage Fictions bibliques - La Bible revisitée, édité chez BoD. Il est illustré de dessins originaux de l'artiste Stéphane Pahon. En voici la présentation en Quatrième de couverture :

Ce livre propose des libres lectures de passages bibliques, présentées sous forme de petites fictions.

Elles servent parfois l'intention du texte initial, mais parfois aussi en problématisent le contenu, quand il n'a plus semblé admissible pour un esprit indépendant.

L'appel à la sensibilité, propre à la littérature, permet de corriger ce que l'exégèse et la théologie traditionnelles peuvent avoir de dogmatique.

Pour plus de renseignements, pour en lire un extrait et commander le livre sur le site de l'éditeur, cliquer sur l'image ci-dessous :

D.R.

 

Ce livre est aussi disponible sur commande en librairie, ainsi que sur les sites de vente en ligne.