Sagesse

es nénuphars, ou nymphéas, vivent sur l’eau, et en tirent leur substance. On les voit flotter à la surface, et peut-être, à ne voir d’eux que feuilles et fleurs, oublierait-on ce qu’il y a en-dessous. Ce serait dommage, car on y perdrait une grande leçon de sagesse.

Ce qu’il y a au-dessous peut bien être une eau trouble, encombrée, ou même sale, cela n’altère en rien la beauté du dessus. Mais quant à la belle apparence de ce dernier, il faut penser que c’est du dessous qu’elle tire son origine et sa substance.

… Aussi bien, dans nos vies, nous arrive-t-il de ne vouloir voir et vivre que de belles choses. Mais cette prétention est vaine. Il faut tout prendre, et le beau et le sordide, et ce qui élève et ce qui rabaisse. La vie est un mélange constant. C’est comme une radio où la plus sublime musique serait violée par les plus infâmes parasites. Malheureusement on ne peut zapper. Et il faut même remercier les parasites. Si détestables qu’ils soient, ils sont signe qu’il y a réception, et sans eux on n’entendrait rien.

Le bouddhisme dit que le nirvana, la béatitude procurée par la délivrance, repose sur le samsara, la tribulation qui fait du monde un enfer. Mieux, certains sages même disent que le nirvana est le samsara. On ne peut pas échapper à ce qui rend possible les plus belles choses, même si ce sur quoi elles reposent nous semble repoussant. La fleur de lotus pousse sur la boue, et il en est de même pour celle des nymphéas.

Il y une grande vanité à vouloir s’évader loin de ce que l’on méprise ou veut ignorer. On oublie que tout se tient, tout est nécessaire : la fleur vient du fumier, et le fumier vient de la fleur. Et le même ciel se reflète dans la fange du chemin.

À qui veut faire l’ange et qui pour cela fait la bête, il faut rappeler la leçon des nymphéas :

Le Haut repose sur le Bas.

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Ce texte est tiré de mon livre Quand parlent les images, publié chez Amazon (2025), et commandable sur son site :