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es voûtes, le monde qu’elles signifiaient, furent pour moi longtemps habités. Aujourd’hui ils sont pour moi vides de présence, et ne reste d’eux que la beauté formelle des arcs et des surfaces, d’un chromatisme savamment étudié selon les instants du jour et la complicité de l’installation électrique.
Je ne pleure pas sur l’ancien monde, ni ne voudrais y revenir. Simplement j’ai changé, mûri peut-être. En tout cas je ne vois plus de la même façon cette Transcendance à laquelle tant d’édifices chez nous sont dédiés.
Il me semble que Dieu (j’emploie ce nom avec beaucoup d’hésitation) est simplement une métaphore pour désigner une limite essentielle, constitutive, mise à nos capacités de comprendre et de connaître. C’est donc un acte de pensée et de langage, rien de plus. Aucun être n’y répond, qui pourrait manifester une quelconque présence, ou relever d’une existence extérieure à nous, dans un temple ou bien ailleurs, comme on veut. Il n’a d’autre garantie que nous-mêmes qui le pensons ou le nommons.
Je ne suis pas cependant comme ces athées militants et triomphalistes qui pensent que plus nous saurons de choses, plus nous détrônerons Dieu, dont la figure se nourrirait de notre ignorance. Je crois au contraire que par définition l’homme ne peut pas tout savoir. Et c’est la conscience de cette limitation, pour moi simplement un état de pensée formulable de cette façon, que j’appelle Dieu.
… Regardant ma photo, je pense maintenant que cette cathédrale (Maguelone, près de Montpellier) était là avant moi, et sera là aussi après moi. Je me figure qu’ainsi vue en contre-plongée elle me toise de haut, et rit de tout ce que je viens de dire. Non loin aussi est la mer, dont les flots rient également, et sans doute dans la même intention. Alors au carrefour de tous ces rires, dont celui que j’entends au fond de moi, je vérifie vraiment le proverbe juif, selon lequel Dieu rit quand l’homme pense.