Tableau d'automne

Je continue la publication ici d'une série de Méditations photographiques, qui seront plus tard publiées en volume.

Voir vraiment s’oppose au voir qui reconnaît les objets. Dans la vie pratique, utilitaire, on remplace ce qu’on voit par ce qu’on sait. Ainsi cette photo peut dire simplement la saison où on se trouve, et au-delà ce qui s’y rattache : par exemple, entre mille autres choses, l’offrande des champignons. Mais quelle connaissance dans la simple reconnaissance des choses ?

Ici un premier regard (et ce sont les meilleurs) peut voir quelque chose comme une tenture se dressant verticalement, un tableau mural. Les zones bleues ne signifient pas alors un ciel qui serait derrière les feuillages du premier plan. Cela, c’est ce qu’on sait. Ce qu’on voit au contraire est de simples zones ou plages bleues, sur le même plan que le reste. La vision surprise est bidimensionnelle. Ensuite l’intellect rectifie l’impres­sion première, et le ciel recule, passe derrière l’image pour constituer un fond désormais perçu comme lointain. Mais c’est perdre la richesse et l’évidence de la vision première (qu’on peut s’entrainer à retrouver).

Bien sûr, tout cela s’explique. Ainsi le ciel, sans nuage, peut davantage ne pas être reconnu en tant que ciel, et la profondeur a été abolie par le téléobjectif, qui écrase les plans, et le resserrement du cadrage.

    Mais que dira l’écrivain, le poète ? Quel titre ou quelle légende mettra-t-il à cette photo ? Tableau seul correspondrait à ce qu’on voit ou peut voir d’abord. Érable en automne renverrait au seul savoir. La légende que j’ai choisie, Tableau d’automne, combine les deux, mêlant à la fois le formel pur de la vision surprise, et le significatif de l’intellect. L’art, tout art, est une relation entre les deux.