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Le blog artistique de Michel Théron
Le blog artistique de Michel Théron
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Deux vies

Deux vies

D.R.
Deux vies

... Miroir est mon âme. Mais j’ai dit miroir juge. Se mirer n’est pas s’admirer. Le miroir n’invite pas à s’y complaire, mais à se projeter loin de soi. Narcisse certes s’y est aimé, mais il en est mort. Il faut au contraire garder le miroir comme instance jugeante, ou comme veilleur. Ange gardien, si on veut, mais non pas flatteur, au contraire indicateur de voie. Décadence quand le miroir flatte. Vie au contraire quand il regarde ailleurs, me projette ailleurs. Les deux femmes ne regardent pas dans la même direction. Inclinaison ou orientation salvatrice du miroir. Il indique un but situé hors de l’image, suggérant un hors-champ, tirant le regard de façon impérative. La direction n’est pas indiquée de façon précise. Elle change d’ailleurs quand on retourne la photo, qu’on peut s’amuser à renverser, à considérer dans tous les sens. Mais la suggestion d’un ailleurs, ou d’autre chose, d’un autre mode de vie, d’une interrogation scrutante, est évidente. Madeleine à la veilleuse se scrutant au miroir, confrontée à l’énigme, mesurée par sa propre image.

 

*

 

L’homme est créateur d’images qui le jugent et qui orientent sa vie. L’image du miroir en est une, et, ne serait-ce que par le cadre qui enclôt et essentialise, isole de la vie contingente et mêlée, nous donne de celle-ci une image plus probante que celle que nous voyons d’habitude. Beaucoup de peintres se promènent avec un miroir en poche, pour mieux y voir ce qu’ils veulent voir. La présence du monde y devient, pour son grand profit, sa représentation.

L’homme se reconnaît toujours mieux une fois représenté qu’à l’état instinctif et pour ainsi dire brut. Tous les langages sont des systèmes de représentation, y compris les images. Ce sont les représentations qui donnent sens, non la vie elle-même. Qui n’a été fasciné dans le langage par la présence des mots eux-mêmes, si supérieurs aux choses, ou bien des reflets, ou des cadres divers dans l’ordre de la vision, donateurs d’ordre, de poids ? La représentation est définitionnelle et ontologiquement lestée. Parce qu’elle est sans doute première, et structure l’esprit. Elle est structurante, parce qu’elle met en scène la vie. Sans mise en scène, sans soumission à un cadre représentatif plus ou moins conventionnel, sans ces signes substitutifs tenant lieu des choses, sans ce théâtre qu’il nous faut contempler (théâtre veut dire lieu de contemplation) et dans lequel nous devons jouer notre rôle, la vie n’est qu’instinctuelle. Hors de cette scène ou ob-scène. On n’est que trop porté dans la vie immédiate à s’y complaire, à y adhérer, à s’aimer. Narcissisme. Mortifère est l’auto­satisfaction. Mieux vaut se fier à l’instance jugeante du miroir. C’est bon signe quand on le sent redoutable. Le miroir bien compris, pas celui d’aujourd’hui qui me flatte comme celui de la publicité (« Soyez-vous-mêmes, chouchoutez-vous ! »), mais celui traditionnel qui me juge, suspend ma vie mais me fait vivre, évite l’unidi­mensionnalité ...

 

D.R.

***

Ce passage est extrait du chapitre 7 de mon ouvrage Quand parlent les images - Méditations photographiques, publié chez BoD. Il est disponible en format papier et en format électronique (e-book).

Pour en feuilleter le début, cliquer ci-dessous sur Lire un extrait. Pour l'acheter sur le site de l'éditeur, cliquer sur Vers la librairie BoD :

Quand parlent les images
Théron, Michel
18,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Le langage de l'image est celui que nous tenons en la contemplant. Sa signification est celle de notre propre discours intérieur, qu'il convient d'analyser dans tous ses procédés, ce que fait le présent ouvrage. Il est composé de méditations que l'auteur a faites sur des photographies qu'il a réalisées lui-même à partir d'un visage féminin. Ces méditations ne sont pas que didactiques. Elles incluent aussi sensibilité et rêverie. De la sorte, ce livre pourra intéresser (...)

Voici le texte complet de la quatrième de couverture :

Le langage de l'image est celui que nous tenons en la contemplant. Sa signification est celle de notre propre discours intérieur, qu'il convient d'analyser dans tous ses procédés, ce que fait le présent ouvrage.
Il est composé de méditations que l'auteur a faites sur des photographies qu'il a réalisées lui-même à partir d'un visage féminin.
Ces méditations ne sont pas que didactiques. Elles incluent aussi sensibilité et rêverie. De la sorte, ce livre pourra intéresser tous ceux qui en général aiment les images et les mots, ainsi que leur dialogue souvent très fécond.