Viatiques

Je continue la publication ici d'une série de Méditations photographiques, qui seront plus tard publiées en volume.

illons tracés sur le sable marin par la lumière au crépuscule... Une fois dit cela, on n’a rien dit. Car quel écho, quelle résonance cela a-t-il dans notre âme ? Et quel intérêt d’identifier simplement une chose, si elle ne nous parle pas ?

Nos vies sont mêlées, impures. On voudrait certes qu’elles ne soient faites que de moments parfaits, d’instants de plénitude. Mais non. Vient très vite la prose de la vie, avec son sordide cortège. Mesquineries et médiocrités sont notre lot.

Bien sûr, Icare ne l’a pas accepté, quand il a voulu s’approcher du soleil, le dispensateur de Lumière. Mais ses ailes ont fondu, et il s’est abîmé dans la mer, où il s’est noyé. Son exaltation a été punie.

Faute d’exaltation alors, nous nous banalisons, et nous en venons même à aimer notre déchéance, car l’appel d’autre chose que ce que nous connaissons dans nos pauvres vies nous est trop pénible à supporter. Nous fermons les yeux, et aux choses les plus répugnantes nous trouvons des appâts.

De la Lumière initiale nous n’avons plus que des traces. Mais elles nous montrent la voie, nous pouvons les suivre, les conserver au fond de nous-mêmes comme de précieux viatiques. Ce sont nos provisions de route spirituelle. D’instants passés qui nous les ont fait voir (et ils passent toujours) nous avons au moins le souvenir.

Ces traces si précieuses, sachons les regarder, et les garder. À les suivre dans cette photo, peut-être mènent-elles à un Enfant jouant sur la plage, dans l’éter­nelle lumière du soir. Celui-même que nous avons été, que nous sommes encore malgré nos reniements et nos trahisons...