Mélancolie

Je continue la publication ici d'une série de Méditations photographiques, qui seront plus tard publiées en volume.

lle n’est pas la tristesse qui accable sans lumière, ou la dépression grave, pour laquelle pourtant on utilise aussi son nom, malheureusement, en psychiatrie. On ressent un certain plaisir à l’éprouver. D’où vient-il ?

Sans doute ne voudrions-nous pas de la joie que nous voyons autour de nous bien souvent : celle d’êtres totalement satisfaits de leur sort, contents d’eux-mêmes et de ce qu’ils vivent. Ils sont unidimensionnels, ils ont oublié leur âme, et ils ont même fini par être oublieux de leur oubli même. Aucune Transcendance en eux, aucun idéal. Définitivement petits...

Ils ne se sentent pas en exil dans ce monde, qui n’est le lieu de nul Royaume. Mais la mélancolie rappelle à l’exilé sa patrie perdue, qu’il a connue par instants de sidération, dont il a encore la mémoire, et à laquelle il veut revenir : cette maladie du retour, cette nostalgie, l’accompagne toujours et le constitue.

On peut se moquer de ce portrait mélancolique, mais que proposer à la place ? Le contentement de soi ? Il me semble au contraire que le plus méprisable des hommes est celui qui ne sait plus se mépriser lui-même. Se réfugie-t-on ici dans des chimères ? Mais à voir comment vivent les gens, on peut penser que ce qui n’a pas de sens a un sens supérieur à ce qui en a...

Le ciel n’est pas oublié dans cette photo : un peu de bleu y figure, qui le signifie encore. J’imagine cette zone bleue comme une trace de ce qui fut déjà vu. D’où le plaisir de la mélancolie : ce qu’on se représente dans la mémoire, même si cela a disparu, a existé au moins un jour, et ne peut nous être enlevé. Dieu lui-même ne peut faire que ce qui a été n’ait pas été.