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e voyageur (viator) emporte avec lui comme provision de route ou viatique le souvenir de certains instants magiques qui balisent ensuite sa route, comme ces petits cailloux que sema pour se retrouver, sur le sol de la forêt où il avait été abandonné, tel enfant du Conte célèbre. Ici aussi il s’agit bien de se retrouver, mais dans le sens de se réunir à soi-même dans un moment d’exception, où enfin on est en consonance parfaite avec ce que l’on voit.
Dans cette photo, derrière les roseaux en premier plan, scintillent des milliers de petits soleils. Ce sont sur l’eau des reflets éclatés du Grand Soleil, sa poussière éparpillée. Ils sont propres à nous éblouir dans l’instant, et ensuite, grâce à leur remémoration, à accompagner notre marche. Ce sont des éclairs de lumière, et ces infimes mais innombrables fulgurances sont comme des traces de cette Grande Lumière que certains ont dit victorieuse des Ténèbres et de la Mort.
Nous devons dans nos marches nous efforcer de tout regarder, prendre garde par exemple à l’à-côté du sujet, comme ici l’arrière-plan, où peut se manifester, souvent par surprise, l’essentiel. Le satori dans le Zen fonctionne ainsi. L’illumination n’est jamais préparée. Ou bien la seule préparation est l’attention constante portée à chaque chose. Prenons modèle sur le regard des enfants...
Cependant je reconnais qu’aucun de ces moments magiques ne délivre un quelconque sens qui serait définitif et triomphalement affirmable. Il suffit qu’il y ait une présence qui s’impose, qui crée une fusion parfaite entre le moi et le monde – mais pour moi seulement momentanée :
Des éclairs lui firent cortège
Mais il n’en fut pas plus savant
Il n’est vision qui ne s’abrège
Tout est emporté par le vent...
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Cette photo et ce texte sont extraits de mon ouvrage autobiographique Exil. On peut le commander directement sur le site de l'éditeur BoD. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :
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