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e viens d’exprimer ma méfiance à l’égard des affirmations définitives et triomphales sur le sens de la vie. Les livres qui s’y sont essayés, j’en ai fréquentés quelques uns, mais je n’en ai rien retiré qui me fût décidément utile. J’en viens à me dire que le sens du cheminement est le cheminement lui-même, c’est-à-dire le déplacement, l’ambulation. Ainsi que le scepticisme engendré par le mouvement : quand on marche, voir simplement la translation des bas-côtés de la route décourage l’ambition d’en retirer une vision stable. Pareillement dans l’esprit, quand les opinions y défilent, chacune étant chassée par une autre : nulle vérité générale de s’en peut conclure. Seulement des validités liées à tel ou tel instant.
Cette photo invite il me semble, par son dépouillement, au silence. Son laconisme est proche de celui du haïku japonais : moins on en dit, plus riche est le résultat ; moins d’être, plus de don. Je pense aussi au taoïsme chinois, et à une maxime de Lao-Tseu : « Celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas. » Le langage en effet remplace souvent les choses par ce que l’on sait sur elles, au lieu de se contenter d’exprimer leur surgissement, leur simple présence. Un spectacle est beau par tous les mots qu’il nous fait perdre. Un poème est réussi, quand il crée par des mots l’état du manque de mots.
Je ne pense pas que la vie en général ait un quelconque sens formulable. Tout n’y est qu’apparitions et disparitions, qui ruinent tout désir de les organiser de façon cohérente. Un jour on est désespéré, et un sourire croisé dans la rue nous rend l’espoir. Un jour on est plein d’allant, et une simple parole nous plonge en enfer. Où trouver une unité en tout cela ? Soyons donc modestes et précautionneux dans notre langage :
Il faudrait ne parler qu’après s’être bien tu,
Chercher en tout instant parfaite transparence,
Dire le seul moment qu’on ne reverra plus,
Se tenir suspendu aux bornes du silence...
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Cette photo et ce texte sont extraits de mon ouvrage autobiographique Exil. On peut le commander directement sur le site de l'éditeur BoD. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :
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