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es épis des joncs sont proches à les toucher, et le nuage au fond apparaît bien lointain. Sans doute cette hiérarchisation inverse-t-elle celle que nous faisons ordinairement. Nous ne faisons pas grand cas des joncs, sûrement parce qu’ils sont à notre distance et à notre mesure, tandis que nous aimons ce qui nous transporte loin, incarne nos aspirations les plus élevées : tel le ciel, avec ses nuages. Les lieux ne sont pas les mêmes. Les uns sont ordinaires, seuls les autres doivent intéresser.
Mais nous avons tort. Parmi tous ceux que nous pouvons choisir aucun lieu n’est méprisable, aussi bien ce que touche notre main, que ce qui éloigne à l’infini notre regard. On peut trouver intérêt à contempler le plus banal, le plus proche. Et plus la contemplation s’approfondit, plus la plus petite chose concurrence la plus grande. Il ne faut pas oublier le monde vu de près, et dans l’infime des détails résident des constellations.
D’ailleurs ceux qui ne s’intéressent pas dans la vie aux petites choses sont, à l’inverse de ce qu’on croit, ordinairement incapables des grandes. Prenons modèle aussi sur les marcheurs en terrain accidenté. Trop fixer leur regard sur l’horizon qui les attire peut leur faire oublier que leur pied peut broncher. Et aussi peut les décourager, car étant vu trop lointain le but leur apparaît inatteignable. Il convient donc d’avancer pas après pas, éventuellement de fixer son regard sur le seul mouvement de ses pieds, pour éviter une déception qui peut mener à l’abandon.
Dans toutes les traditions spirituelles il est dit que l’Essentiel peut se trouver dans la moindre des choses. Dieu est présent, disait sainte Thérèse d’Avila, jusque dans le fond des casseroles. Et dans le zen on dit aussi que le satori (l’illumination) peut se trouver dans la plus banale des occupations, par exemple en balayant la cour. C’est affaire de concentration, de pleine conscience (mindfulness). Age quod agis : Fais ce que tu fais. Il faut être à ce qu’on fait. On ne peut pas toujours être dans les nuages.
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