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l y a deux types d’oiseaux, les petits, qui piaillent en groupe et ne volent pas haut, et les grands, solitaires souvent, qui planent silencieusement dans les hauteurs, comme dans cette photo.
Il en est de même, me semble-t-il, des humains. Beaucoup se plaisent à vivre en groupe, redoutent de n’avoir pour compagnie que la leur, et font grand bruit en se serrant les uns contre les autres. Et d’autres, sans doute moins nombreux, fuient la promiscuité de la foule, et recherchent la solitude. Aussi ils ont de plus grandes exigences que celles, élémentaires, du commun. Ils s’élèvent haut, comme les grands oiseaux qui nagent dans l’azur.
Sur ces deux types d’hommes la littérature est pleine d’exemples. Je pense au couple que font Sancho Pança et Don Quichotte chez Cervantès, ou encore à celui que composent, chez Flaubert, le pharmacien Homais et Madame Bovary. Les premiers sont banalisés, et les seconds, exaltés. Suivant la valorisation que fait le lecteur de l’un ou l’autre personnage, la leçon du roman est une comédie, ou une tragédie.
Personnellement j’opte pour le second cas, ne comprenant pas qu’on puisse préférer la prose généralisée de l’existence à la poésie des grands rêves. Et je ferai résolument l’éloge de la solitude, qui les laisse parler à leur âme.
Maintenant il ne faut pas la confondre avec l’isolement, qui, lui, est néfaste. La solitude au contraire est une réunion à soi-même, qui permet ensuite de s’ouvrir aux autres de façon harmonieuse. Elle est un préalable à toute bonne socialisation. La plupart des gens se fuient en s’accrochant comme des mendiants à la compagnie des autres pour s’oublier eux-mêmes. Ils instrumentalisent autrui. Ils vivent par les autres et pour eux-mêmes, alors qu’il faut vivre par soi-même, et pour les autres. Aussi dirai-je, en parodiant l’Ecclésiaste :
Malheur à qui ne sait pas être seul !