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i la première ni le second n’ont de consistance ou de stabilité. L’ombre varie selon le moment de la journée, et la forme du sable est constamment modifiée, par le vent par exemple, quand ce n’est pas sous les pas du marcheur ou par le jeu des enfants. Les deux sont des symboles de fragilité.
Mais cette fragilité, il semble au contraire que l’homme ne la sente pas naturellement, tant pour lui-même que pour sa situation dans l’existence. Entrant dans la vie il est immortel. Certes il sait qu’il mourra mais il ne le croit pas. Il faut qu’une maladie ou un accident le lui rappelle. De même connaît-il une période heureuse, aussitôt il croit qu’elle va durer toujours. Là encore, le cours des choses se charge de le détromper.
Que ne médite-t-il encore, comme je le fais, sur l’ombre et le sable ! Il pourrait rejoindre l’intuition de Bouddha sur l’impermanence de toutes choses : elle est, avec la loi de causalité, l’essentiel de son enseignement. Cette intuition ouvre les yeux définitivement.
Condamne-t-elle au pessimisme ? Mais s’il est vrai que rien ne dure, que tout s’écoule, alors ce que nous vivons n’en acquiert que plus de prix. Cueille le jour (carpe diem), fie-toi le moins possible au lendemain. Aimez ce que jamais on ne verra deux fois...
Vois la floraison des cerisiers : c’est d’être éphémère qu’elle en est plus belle. Et songe que ce même mandala fait de sable coloré, qui a demandé au moine tant de jours méticuleux de travail, est détruit à la fin, éparpillé et rendu à la nature. Beau symbole à méditer, sur l’inéluctable effacement :
Chemins perdus
Bonheurs instables
Sommes-nous plus
Qu’ombres sur sable...
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Cette photo et ce texte sont extraits de mon ouvrage autobiographique Exil. On peut le commander directement sur le site de l'éditeur BoD. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :
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