Monde perdu

C

ette croix à un carrefour balise mes promenades ordinaires, près de chez moi. D’habitude elle me sert simplement de repère, mais un jour j’ai pensé à ce qu’autrefois elle a signifié, et je l’ai photographiée.

Le sens en est, pour les chrétiens, le supplice salvateur du Christ. Mais l’usage que j’en ai fait de signal routier l’a totalement oublié. Cependant je ne suis pas le seul dans cette amnésie. Je suis sûr que mes contemporains en France seraient dans leur grande majorité aussi oublieux que moi de ce contenu.

Un monde a donc existé où on y a cru, qui maintenant est perdu. Que dois-je penser de cette disparition ? La réponse n’est pas aisée. D’un côté l’enseignement que j’ai reçu, enfant, à l’Église catholique m’a passablement traumatisé. La culpabilisation par le péché m’a marqué jusqu’à l’adolescence, et qu’elle m’ait quitté brusquement ensuite ne l’excuse pas. Mais d’un autre côté il y avait une certaine protection que je trouvais dans les cérémonies, dans les hymnes et cantiques, et un sens certain aussi de la beauté. Aujourd’hui encore je crois que la Divinité doit beaucoup aux artistes qui l’ont célébrée. Pour moi, sans doute son existence même...

Aussi il me suffit de considérer aujourd’hui la vie de mes contemporains pour voir tout ce qui a été perdu : sont-ils vraiment heureux, morne troupeau désorbité face à un ciel vide ?

Fut un temps où la croix parlait
Au profond du cœur des fidèles,
Mais son discours s’en est allé
Il n’y a plus de regard pour elle.

Faut-il plaindre qui ne peut croire,
Pèlerin promis à douleur,
Pour qui le sens n’est que mémoire
Avec nuage dans le cœur...

*

Cette photo et ce texte sont extraits de mon ouvrage autobiographique Exil. On peut le commander directement sur le site de l'éditeur BoD. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :

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