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uand j’étais enfant, j’aimais les jeux répétitifs, et je trouvais une satisfaction dans le retour des mêmes choses. Puis, en grandissant, et sans doute sous l’influence des adultes, je me suis dit que le sens de la vie pouvait décidément n’être pas dans ce schéma répété aussi simple, et résider ailleurs, dans une sorte de progrès linéaire, où le point d’arrivée devrait être nécessairement différent du point de départ. C’était aussi en moi l’influence des idéologies mélioristes, aussi bien celle véhiculée dans le catéchisme religieux habituel que dans celle du progressisme laïque où j’évoluais.
Mais je me suis vite aperçu que ce schéma novateur ne tenait pas, et que la vie se présentait plutôt à la manière d’une oscillation pendulaire, ou d’un échange toujours répété des mêmes formes, dans lesquelles aucun sens ne se trouvait, sinon celui d’une perpétuelle répétition du Même.
Je l’ai senti récemment en me promenant au bord de la mer, où j’ai pris ma photo. On y voit le flux des vagues venir lécher le sable où se trouve le reflet lumineux de l’assaut précédent, et l’instant d’après refluer lui aussi, en attendant la répétition suivante, et cela sans fin – da capo sine fine... Ainsi, au risque de mécontenter mes contemporains progressistes, de ces noces immémoriales de la mer et du sable je tire l’impression, comme l’enfant autrefois l’avait eue dans ses jeux à lui, d’un éternel retour :
Le sable laisse à regret
Le flot qui l’a fécondé,
La parole se souvient
De l’émotion qui lui vint.
Telles noces reviendront,
À nouveau disparaîtront :
Sous le clair reflet des nues
Tout n’est qu’allées et venues...
*
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