Escalier

ormalement un escalier sert à monter, ou à descendre. Mais c’est là une vision étroitement utilitaire, finalisée. On peut au contraire en préférer une autre, telle ici celle d’un fragment avec rayon de lumière, en clair-obscur. Alors la vision est désintéressée, définalisée, elle est subordonnée à une perception uniquement sensible, et non intellectuelle. Le vu remplace le su. Ce changement dans la façon de voir est propre à l’enfant, aussi à l’artiste, et parfois au fou... Ce sont des hérauts de la vie sensible. Vie sensible : vie sans cible.

Maintenant, je ne pense pas que cette nouvelle vision doive toujours déboucher sur la recherche d’un sens. Elle peut s’en détacher ou abstraire, comme dans une variante possible de ma photo, propre à la transformer en purs signes abstraits. Si la mémoire en est récusée, le mystère essentiel du monde peut en être mieux préservé :

Il semble qu’il y ait dans les choses
Un mystère pour nous caché,
Mais pour le sens qu’elles proposent
Inutile de le chercher.

Et si le faire quelqu’un ose
Il en sera bien empêché :
Le secret bien gardé repose,
Rien ne sert d’en être fâché.

Rien d’autre ne s’y laisse voir
Qu’une présence mystérieuse.
Pouvons-nous seulement y croire,
Respecter la vie silencieuse ?

Grand bénéfice que d’avoir
Suspendu la vie douloureuse,
Sans pour autant ôter l’espoir
Nous bercer d’illusion précieuse...

*

Cette photo et ce texte sont extraits de mon ouvrage autobiographique Instants de lumière. On peut le commander directement sur le site de l'éditeur BoD. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :

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