Still life II

ous sommes dans ce monde des promeneurs paresseux. Nous ne regardons pas les choses, nous les mettons simplement à notre service. Et focalisé sur l’utile, notre regard est aveugle à l’essentiel.

Pour nous, une lampe n’a de fonction que de nous éclairer. Nous ne voyons pas le halo lumineux qu’elle fait sur un plafond, pas plus que le reflet qu’elle produit sur tel objet qui la jouxte. Tout cela ne nous concerne pas. Seul l’éclairage de notre pièce nous importe.

Finalement les choses sont transparentes à nos yeux. Le monde se vide de ses inépuisables richesses. Et au sein même de nos meilleures réussites, en vérité nous sommes extrêmement pauvres.

Il faudrait réenchanter notre univers en ouvrant à nouveau nos yeux. Sauver de l’oubli maints phénomènes, maintes manifestations, qui sont là, à n’attendre de nous qu’un regard charitable. Pourquoi le faire ? Eh bien pour voir réellement les choses, et en alimenter notre mémoire. Et même s’il y a là illusion, elle supplante tout le reste :

Le moindre objet s’offre au regard      
Et pourrait nous faire cortège,
Mais la vie passe sans égard :   
N’est de moment qui ne s’abrège.        

Et si grande est notre paresse 
À remarquer les moindres choses,       
Que pouvons oublier sans cesse           
L’essentiel où la vue se pose.     

Et pourtant dans l’instant qui fut       
Pour le trésor de la mémoire,  
Plus attentif nous aurions pu  
Trouver merveille ou bien le croire...

*

Cette photo et ce texte sont extraits de mon ouvrage autobiographique Instants de lumière. On peut le commander directement sur le site de l'éditeur BoD. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :

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