Temps révolu

ette croix, qui voisine avec un poteau télégraphique, jalonne ma promenade habituelle, et me sert de repère pour savoir où j’en suis.

Autrefois aussi elle servait de repère, pour savoir où on en était. Mais évidemment le sens en était différent. Pour moi aujourd’hui il est seulement géographique et localisateur, tandis que pour l’homme de jadis (de naguère ?) il était religieux, ou spirituel. La croix pour lui renvoyait à un discours, le récit de la Passion du Christ, auquel il donnait crédit et accordait foi.

Ce temps est révolu, au moins dans nos sociétés, où la sécularisation domine. Elles ne croient plus qu’au progrès matériel et au confort, dont alors l’image du poteau télégraphique dans ma photo pourrait être le symbole. La danse qu’il y fait avec la croix matérialiserait la fin chez nos contemporains de l’idéal religieux, et généralement de toute transcendance. En faveur de la vie matérielle, ne perd-on pas les raisons de vivre ? Les Anciens l’avaient prévu : Et propter vitam vivendi perdere causas.

L’enfant que j’étais allait à l’église par habitude parentale, et il y trouvait, bercé par les hymnes et les cantiques, émerveillé par les tableaux aux murs, un théâtre sécurisant. Mais l’adulte que je suis devenu s’est éloigné du discours qu’ils contenaient. A-t-il vraiment gagné au change ?

Qui le sait ?

Fut un temps où la croix parlait :
Que reste-t-il de son langage ?
Quand son discours s’en est allé
Ne subsiste que son image.

Mais à quoi bon la nostalgie,
Sait-on toujours à quoi l’on croit ?
Change le ciel comme la vie,
Aux carrefours restent les croix...

*

Cette photo et ce texte sont extraits de mon ouvrage autobiographique Instants de lumière. On peut le commander directement sur le site de l'éditeur BoD. Pour plus de renseignements, cliquer sur l'image ci-après :

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