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Le blog artistique de Michel Théron
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Conte

Conte

D.R.

I

 

l y avait autrefois, dans un pays pas si lointain, un président de la République qui s’était attaché les services d’un coiffeur à temps plein, chargé de le suivre partout, et payé à hauteur de 10 000 euros bruts par mois.

On eût pu penser, pour la situation, au perruquier de Louis xiv. Et encore avait-il plus de travail que celui-là, l’arrangement d’une perruque demandant sûrement plus de travail que de coiffer quelques cheveux.

Cette comparaison monarchique n’était pas excessive, car manifestement c’était à tort que ce pays imaginait vivre en démocratie. Son régime était en fait une monarchie élective, où le président pouvait faire tous ses caprices : il avait beaucoup plus de pouvoir qu’une tête couronnée, que ces rois ou ces reines qu’encore beaucoup de pays d’Europe avaient conservés à titre symbolique, mais qui ne gouvernaient pas. Et on voyait bien, par le recrutement d’un coiffeur ad hoc, que pour n’être pas couronnée, rien n’était assez beau pour son auguste tête...

Dans ce pays, la seule élection qui comptait vraiment était l’élection présidentielle : une fois élu, le monarque républicain était omnipotent, et pouvait par exemple ne tenir aucun compte de son impopularité. Eût-elle été très grande, qu’n’eût pas démissionné pas pour autant. Un seul le fit dans le passé, avec une certaine allure, mais ses successeurs n’eurent pas cette naïveté, et s’en gardèrent bien.

On me dira que cette histoire du coiffeur présidentiel était négligeable en importance, qu’il n’y avait pas là de quoi se faire des cheveux, ou de les perdre quand on s’en fait, ou de couper les cheveux en quatre.

Je n’en suis pas sûr quant à moi. D’abord le retentissement symbolique en était catastrophique, à l’heure où beaucoup de chômeurs de ce pays n’avaient pas même de quoi aller chez le coiffeur.

Ensuite, la signification en était qu’alors l’image d’une personne, son look, étaient bien plus importants que ce que la personne pouvait dire. Le message à transmettre était simplement la forme dans laquelle il se présentait, relayée évidemment par les medias. Un théoricien de la chose, nommé Mac Luhan, l’avait dit : « Le message, c’est le medium ». On ne mettait pas en question le phénomène, on ne se demandait pas s’il y avait là un formalisme déréalisant. En ces temps-là, on était jugé sur son aspect et sa coiffure, comme avaient dû le dire à notre monarque les communicants de service.

Peut-être ce président redoutait-il la canitie ou l’alopécie ? En tout cas et au bout du compte une part de la politique de ce pays était entre les mains d’un coiffeur !

Les choses ont-elles changé aujourd’hui dans ce pays ? Je ne sais. J’espère tout de même que ce conte fera un peu réfléchir, et ne paraîtra pas tiré par les cheveux. Il n’y a pas de petit sujet, même capillaire.[i]

 

 

[i] Ce président est François Hollande (2012-2017).

 

***

 

Ce texte est tiré de mon dernier livre, paru chez BoD , Histoires vraies.

 

Ce sont  des petites fictions écrites à partir d'histoires véridiques, que l'on pourra trouver dans ma Petite philosophie de l'Insolite (BoD, 2021), et auxquelles on pourra si l'on veut se reporter.

 

Toujours bizarre, souvent cocasse, mais aussi parfois tragique, l'ensemble justifie il me semble la remarque d'Hamlet chez Shakespeare : « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n’en rêve votre philosophie. »

 

> Pour plus de renseignements sur cet ouvrage, et pour le commander sur le site de l'éditeur, merci de cliquer sur l'image ci-dessous :

 

D.R.

Ce livre est aussi disponible sur commande en librairie, et sur les sites de vente en ligne.