Méditations d’un promeneur curieux
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e pourrais me contenter de voir dans ce que montre cette photo simplement de l’insolite ou de la cocasserie. Mais aussi pourquoi pas une coïncidence troublante, et même, en me souvenant du mot d’André Breton dans Nadja, « pétrifiante ». C’est un fait qu’à voir ces deux pancartes une sidération me cloue sur place et détruit bien des choses en moi, à commencer par le rationaliste que pourtant je pense être. J’ai toujours pensé, pourtant, avec mon cher Spinoza, que la finalité ne renvoyait qu’au désir que nous en avons, à l’envie de son existence. J’ai défendu l’idée d’un hasard aveugle. Mais maintenant il me semble que ces inscriptions peuvent avoir, ont bel et bien un sens objectif, et m’invitent à y réfléchir. Et si donc il y avait des rencontres où le hasard pur se révèle éminemment finalisé, que C-G. Jung nommait des synchronicités ?
... D’où viennent-elles ici ? Qui en est à l’origine ? L’agent de la voirie qui a placé ces pancartes se rendait-il compte de ce qu’il faisait ? Sans doute pas. De toute façon, il ne faisait qu’exécuter un ordre qu’on lui avait donné. En allant plus haut, c’est l’ingénieur de l’Équipement qu’il faudrait interroger. Mais lui non plus sans doute ne s’est pas posé de question. L’exécution d’une routine dispense de toute interrogation.
Maintenant, comme ces pancartes figurent à cet endroit depuis plusieurs années, au bord d’une route fort circulante, comment se fait-il que personne n’ait signalé la « question » aux services compétents, au premier chef à la municipalité ? Alors c’est le maire de la cité qui serait sur la sellette… Mais non, je préfère croire que nul n’a vu là de problème, ni l’administration, ni les automobilistes, ni les passants. L’inattention est aujourd’hui générale...
... Rêvons alors ! De toute façon il faut bien indiquer la direction où l’on va. Sinon, on se perdrait. Nous irons donc au cimetière-déchetterie à bicyclette : la piste cyclable nous y convie, la flèche même nous l’enjoint. Cyclons donc, et nous serons recyclés, comme ces ordures qu’aujourd’hui on veut valoriser. Peut-être vaut-il mieux alors que notre corps décomposé alimente le compost. Rendons-le à la terre, et ne voyons plus de déchéance dans le déchet.
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Ce texte est tiré de mon dernier livre, paru chez BoD , Histoires vraies.
Ce sont des petites fictions écrites à partir d'histoires véridiques, que l'on pourra trouver dans ma Petite philosophie de l'Insolite (BoD, 2021), et auxquelles on pourra si l'on veut se reporter.
Toujours bizarre, souvent cocasse, mais aussi parfois tragique, l'ensemble justifie il me semble la remarque d'Hamlet chez Shakespeare : « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n’en rêve votre philosophie. »
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