Dans une forêt obscure

A

u milieu du chemin de notre vie, je me trouvai dans une forêt obscure, car la voie droite était perdue... Ce début de la Divine comédie me vient à l’esprit en regardant cette photo.

À moi aussi est arrivée cette aventure. Je me croyais parvenu au sommet de mon parcours, possesseur de tout ce que je pensais mériter le désir, mais alors un grand désenchantement m’avait envahi. Comme à midi le soleil à son zénith supprime toutes les ombres, et ôte tout relief aux choses, efface tout de son surplomb accablant. Prisonnier de l’acédie, du désintérêt pour toutes choses, j’étais la proie de ce Démon de midi dont les Psaumes menacent tout homme parvenu à la mi-vie.

Qu’était donc tout cela dont je n’avais pas rêvé ? C’est l’imagination dont elles s’entourent qui fleurit les choses, et c’est leur possession qui détruit l’illusion. Et finalement on n’est heureux dans la vie qu’avant de l’être...

... Pourtant la forêt ici n’est pas totalement obscure, et des éclats lumineux balisant les troncs d’arbres semblent nous faire signe. Bien sûr, ils n’ont pas l’évidence d’une grande clarté. D’elle il faut sans doute désormais faire son deuil. Une fois perdue la Totalité qui était celle de l’Enfance, nous n’avons plus que des fragments pour nous guider, comme morceaux dispersés d’un miroir brisé. Mais enfin ces quelques lumières sont là, et ce n’est pas rien.

Elles attestent pour moi l’existence d’un monde que j’ai connu autrefois, et qui a été recouvert par l’acharnement que j’ai mis ensuite à poursuivre des chimères. Mais il me semble que je dois maintenant aller à sa rencontre. Il m’attend, et la forêt même m’y invite par les signes qu’elle me prodigue. Sans doute y trouverai-je plus loin quelque clairière, ou peut-être m’attend un Enfant – celui que j’ai été, que je suis. Aussi bien ne peut-on, au mitan de la vie, désirer autre chose. Il faut aller au-devant de soi, du Soi en soi. – Deviens ce que tu es.

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