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e feu est très difficile à photographier de façon nette. Les flammes bougent si vite qu’elles dépassent pour être fixées la vitesse d’obturation d’un appareil standard, comme ici. J’espère donc que mon lecteur ne m’en voudra pas du flou de cette photo.
Mais au fond il me semble que ce flou même peut servir ma méditation, au point que je pourrais être ici porté à croire au divin hasard, à une intentionnalité secrète, ou à ce qu’on appelle la synchronicité. Bien sûr je n’ai pas voulu cela, mais le résultat me comble. Tout est bien qui finit bien.
Ma méditation alors portera sur le désir. Il est par essence éminemment flou, comme ces flammes en volutes. Ou ces flots aériens. Si nous savions exactement ce qu’est ce que nous désirons, nous ne désirerions rien. Par exemple j’ai toute ma vie désiré un rôle social que j’ai fini par jouer. Mais l’ayant obtenu je me suis aperçu qu’il ne correspondait pas à ce que je croyais. N’était-ce que cela ? Bien sûr de l’extérieur c’est ce qu’on appelle une réussite. Mais de quoi a-t-elle été payée ? Et vaut-elle un corps aimé contre lequel on peut se pelotonner pour ne plus avoir froid, la nuit, l’hiver ? L’élémentaire remplace bien souvent les plus hautes ambitions. Malheureusement on ne le sait que trop tard.
Tout de même il est parfois sage de laisser flous certains désirs. Quand on aime quelqu’un depuis longtemps, par exemple, est-on sûr de le voir enfin nettement ? L’objet (ou le prétexte) de notre désir ne reste-t-il pas encore flou pour nous, si grand soit notre compagnonnage avec lui (ou elle) ? Mieux, n’y a t-il pas un grand danger à vouloir le voir de façon entièrement nette, à supprimer tout son mystère ? Beaucoup s’y sont essayés qui ont tout perdu. Peut-être vaut-il mieux dans la vie être abusé que désabusé.
... Toutes nos flammes s’élèvent dans la nuit pour à la fin y disparaître.
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